Les informations qui suivent sur la mentalité et la doctrine soviétiques sont tirées de cahiers militaires français rédigés à la fin des années 1980.
La stratégie et les tactiques soviétiques ont été forgées par la cataclysme qu'à représenté la Seconde Guerre Mondiale. La doctrine grâce à laquelle l'Allemagne nazie a été vaincue est toujours de mise dans la Russie d'aujourd'hui, et les Soviétiques ont enseignés cette même doctrine à leurs alliés, que ce soient ceux du Pacte de Varsovie comme ceux du Tiers-Monde. Cette doctrine a parfois bien fonctionné, parfois mal, et elle est revue et corrigée à la lumière de la guerre en Afghanistan.
En 1941, l'URSS était sur la défensive, et laissa l'Allemagne appliquer ses plans d'invasion. En cette première année de guerre, leur année de pré-guerre toute entière fut détruite. Ce ne fut que lorsque les Russes arrêtèrent enfin les Allemands et contre-attaquèrent qu'ils furent en mesure de gagner. Dans la guerre motorisée, les Russes ne reconnaissent aucune défense réussie. Leur expérience leur a enseigné que seule l'attaque mène à la victoire. De plus, si vous devez vous défendre, ne le faites jamais sur votre propre sol ; vos compatriotes vont souffrir. Entre 1941 et 1945, un Russe sur 8 mourut – ce fut la nation qui connut le nombre de morts le plus élevé dans toute l'histoire de la guerre.
Le système militaire soviétique mettait davantage l'accent sur la quantité que sur la qualité. Contrairement à l'armée volontaire américaine, la Russie a une conscription militaire générale. Il est demandé à tout jeune homme de faire 2 ans de service actif (3 ans dans la Marine). Le nombre de conscrits qui «rempilent» après cette période est très faible. Les conscrits "hors ligne" sont rapidement promus caporal ou sergent pendant leur seconde année. Les officiers sont des engagés ayant fréquenté une école militaire ou suivi des études équivalentes. Beaucoup choisissent d'en faire leur carrière. Il en résulte que les officiers soviétiques sont expérimentés, mais on trouve en-dessous du lieutenant un conscrit à court terme avec des connaissances, une aptitude et un sérieux discutables. L'armée soviétique n'a pas d'équivalent pour les sergents très expérimentés qui ont fait la cohésion de la plupart des armées occidentales.
L'équipement militaire soviétique comporte souvent des concepts innovants, mais il est fréquemment défectueux pour les petits détails qui entravent l'utilisation quotidienne. Les chars ont des canons à âme lisse, totalement stabilisés mais pendant des décennies les mécanismes de chargement ont empêché un traçage continuel des cibles.
Par ailleurs, au cours des siècles, les Russes ont acquis une réputation bien méritée de coriacité flegmatique en situation de guerre. Leurs armées ont enduré toutes sortes d'épreuves, ont subi des pertes terrifiantes, mais elles tenaient bon et continuaient à se battre et ce jusqu'au dernier homme s'il le fallait. Les Français de Napoléon, les Allemands d'Hitler, furent étonnés par la velléité des Russes à résister et mourir pour leur mère patrie. Cependant, ils notèrent aussi que les Russes devaient être bien organisés avant de pouvoir monter une offensive. Mais une fois que l'offensive était lancée, il était difficile de les arrêter.
Le système militaire soviétique considère les affaires militaires comme une véritable science. Depuis la conception de l'équipement jusqu'aux tactiques du champ de bataille et à la logistique de l'arrière, tout est basé sur des principes et des axiomes. Des équations mathématiques sont utilisées pour démontrer le bien-fondé de ces principes et déterminer le "juste déroulement" de l'action. La doctrine militaire est créée "scientifiquement". Des officiers de niveau inférieur doivent suivre les théories établies par des "savants" de haute volée qui savent très bien ce qu'ils font. Ils croient fermement au combat "par les livres".
Il en résulte que les forces soviétiques sont comme une machine fiable. Les officiers supérieurs savent ce qu'il faut en attendre et sont encouragés à se rendre fréquemment sur le front pour s'assurer que tout fonctionne. Une obéissance inconditionnelle aux ordres peut en coûter aux unités individuelles, mais l'armée toute entière peut manœuvrer avec une vitesse et une sureté qui surprennent les adversaires.
Naturellement, la faiblesse de cette approche est que, en matière de tactique, elle leur donne un air de robot, voulant sacrifier des troupes et des équipements sans raisons valables. Contre un adversaire habile, ils subissent continuellement de sérieuses pertes. Ce fut le cas pendant la Seconde Guerre Mondiale, mais les Allemands découvrirent qu'aucune finasserie tactique ne compenserait les énormes pertes subies chaque fois qu'un pilonnage russe "en règle" anéantissait une partie de leurs lignes.
Dans l'offensive, l'armée soviétique utilise un système de "vagues" pour gagner les batailles. À chaque niveau, des armées aux bataillons, les troupes sont divisées en vagues de commandement et en vagues suiveuses. La première vague charge l'ennemi, tous canons en action. Si la défense est faible, elle l'écrase et continue d'avancer. Si la défense est forte, la première vague subie de lourdes pertes mais en inflige aussi le maximum à l'ennemi. La vague suivante arrive alors, et écrase les ennemis survivants. Les attaques sont accompagnées de tirs d'artillerie rapides et massifs, du support aérien et d'hélicoptères. La coordination entre les armées est jugée vitale.
La clé de cette technique est une application massive à grande échelle. Au niveau de la tactique individuelle, les véhicules avancent souvent comme une formation de parade au sol. Les décisions de déborder l'ennemi sont prises à des niveaux supérieurs de commandement et communiqués aux inférieurs – il n'est pas exigé des officiers et sergents subalternes de faire ce genre de choix. En conséquence, un adversaire subtil pourrait faire un détour, infliger de lourdes pertes et se retirer. Cependant, l'attaque se poursuivrait jusqu'à ce que la première vague soir épuisée. La seconde prendrait alors la relève.
L'armée russe est délibérément organisée pour continuer le combat malgré les pertes. Les réparations, maintenance et autres services sont laissés loin à l'arrière et sont très centralisés. Les unités de combat continuent à se battre jusqu'à ce qu'elles soient virtuellement balayées. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elles sont renvoyées pour être réorganisées. Les bataillons, régiments et divisions individuelles ne s'encombrent pas d'éléments de support. L'armée cherche à combler cette lacune en se déplaçant rapidement.
Les Soviétiques évitent normalement les zones urbaines pour leurs offensives. La Seconde Guerre Mondiale leur a enseigné que les villes sont extrêmement difficiles à prendre si elles sont défendues par un adversaire déterminé. Leurs attaques auront lieu probablement autour des villes au lieu de les traverser.
Le manque de sous-officiers supérieurs, selon le type occidental, signifie que les unités soviétiques de niveau inférieur s'en remettent à leurs officiers. Une section se déplace donc presque toujours en bloc, comme une simple unité. Les commandants de compagnie se joignent à une section, souvent celle de tête. Les unités blindées sont entrainées à se déplacer continuellement, l'infanterie restant à bord des BMP et BTR autant que possible. Les formations en ligne et en coin sont les favorites sur le champ de bataille.
L'armée soviétique consacre peu de temps à l'entrainement défensif, environ 20 %. En général, l'armée défend toujours en profondeur, avec plus de la moitié de ses forces en seconde ligne ou en réserve, prêtre à contre-attaquer. Les troupes de première ligne sont censées se battre et rester là où elles sont été déployées. Ceci permet aux commandants d'avoir une estimation de l'attaque et d'envoyer les forces arrières appropriées pour disperser l'attaque.
À une plus petite échelle, les sections soviétiques se groupent et créent des bastions défensifs, généralement sur des promontoires ou dans des agglomérations urbaines. Là où le terrain le permet, les sections sont déployées sur un rayon de 300 à 500 m. Ces distances sont cependant adéquates, compte tenu de la portée des missiles antichar, des mitrailleuses montées sur tourelles et des canons lourds.
Les sections individuelles sont censées rester sur place. On n'attend pas d'elles qu'elles contre-attaquent ou manœuvrent contre les attaquants. En fait, tout mouvement requiert l'approbation du QG, et il est peu probable qu'il se poursuive rapidement.
Tout récemment encore, il était rare de voir l'artillerie et l'aviation soviétiques soutenir les opérations défensives. Elles étaient réservées aux attaques ; de plus, le temps de riposte était long et la coordination difficile. Cependant, avec l'utilisation courante d'ordinateurs et d'une multitude d'équipements radio, l'armée soviétique est en train de changer. Au cours des dernière années de la guerre d'Afghanistan, l'armée fit preuve de rapidité et d'habileté en utilisant les armes de soutien.
La guerre d'Afghanistan (1980-1988) fut un modèle classique de confrontation entre une armée moderne et des insurgés indigènes utilisant principalement des armes d'infanterie. Les deux premières années se sont révélées coûteuses et peu concluantes : l'armée soviétique essaya d'appliquer une doctrine conventionnelle de guerre pour réprimer une insurrection. Cependant, en 1982, elle opéra avec de nouvelles tactiques, adaptées au terrain et à la nature de l'ennemi. De plus, les opérations militaires visaient des cibles politiques et économiques, comprenant des bombardements et des poses de mines destinées à détruire l'infrastructure agricole qui soutenaient la guérilla. Entre-temps, les Soviétiques lancèrent des programmes de reconstruction et de formation d'une armée afghane. Ceci leur permet en fin de compte de retirer leurs armées, bien que la guerre se poursuive sous forme de guerre civile afghane.
Page mise à jour le 24/12/2010