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Organisation des forces terrestres soviétiques

Présentation

Les forces terrestres soviétiques (Сухопутные войска СССР) comptaient environ 140 divisions et 1,5 millions d'hommes à la fin des années 1980 répartis en cinq branches principales :

  • les fusiliers motorisés,
  • les chars,
  • l'artillerie et les missiles,
  • les troupes de défense anti-aérienne (à ne pas confondre avec la PVO),
  • les troupes aéroportées (Воздушно-десантные войска).

Chacune de ces branches possédait son état-major, à l'exception des fusiliers motorisés, qui constituaient l'épine dorsale des forces terrestres et étaient par conséquent directement rattachés au chef d'état-major des forces terrestres. Les troupes aéroportées avaient leur propre commandement, subordonné au chef d'état-major des forces terrestres en temps de paix. Tous les districts militaires d'URSS avaient à leur disposition entre deux et cinq armées ou corps d'armée, avec de deux à quatre divisions par armée.

L'armée soviétique était une vaste organisation. Comme toutes les armées du XXème siècle, elle utilisait un système d'appel aux réservistes qui lui permettait, en temps de paix, de maintenir un budget à un niveau bas, contrairement à la période de guerre. En effet, en temps de paix, les divisions soviétiques n'atteignaient jamais 100% de leur effectif, exception faite des unités déployées dans les pays de l'Est, à proximité du Rideau de Fer. On distinguait trois niveaux de préparation :

  • les divisions de catégorie I avaient des effectifs complets ou presque (75-110 %) et bénéficiaient des équipements les plus récents ;
  • l'effectif des divisions de catégorie II était complet à 50-70 %, et la plupart de leur équipement était en stock. Cependant, ces troupes s'entrainaient régulièrement, et l'équipement était si bien entretenu qu'un mois leur aurait suffit à être opérationnelles ;
  • les divisions de catégorie III étaient à 10-33 % de leur effectif total et ne comptaient pas plus de 33-50 % de leur équipement total, qui était obsolète et en stock. La plupart des hommes étaient des réservistes assez âgés. Il aurait fallu 3 à 4 mois pour que ces troupes soient prêtes au combat, avec une réhabilitation très couteuse des vieux équipements et la militarisation de véhicules communément utilisés dans l'économie civile.

Depuis la Seconde Guerre Mondiale et jusqu'au début des années 1980, l'organisation de l'armée en URSS a été d'une immuabilité totale. Le char et les divisions de fusiliers motorisés en étaient les éléments clés. À l'intérieur de ces divisions, le char et les régiments de fusiliers motorisés représentaient les formations de combat. En général, l'armée soviétique utilisait une organisation ternaire, bien que quelques éléments (dits quatrièmes) aient été ajoutés. Les sections de combat s'étaient aussi vu adjoindre une large variété d'éléments de soutien, car les Soviétiques ne permettaient pas l'interférence des sections.

La guerre en Afghanistan a permis la mise au point de nouvelles brigades multi-armes indépendantes. Ces nouvelles formations comportaient des blindés, de l'infanterie et de l'artillerie. Suite à cette expérience, de nouvelles divisions blindées virent le jour (brigade multi-armes, avec bien sûr des armes de soutien).

La division blindée

Les divisions de chars représentaient une force de combat massive et blindée. Pendant des décennies, la doctrine de l'Armée Soviétique s'est nourrie de la vision de chars forçant, par milliers, les lignes ennemis anéantie. La division blindée était destinée à concrétiser ce rêve.

La division s'articulait autour de trois régiments blindés et d'un régiment de fusiliers motorisés. Les régiments blindés étaient censés attaquer par vagues, chacun d'eux étant assisté par son bataillons d'infanterie au complet. Le régiments de fusiliers motorisés (BMP) était, à l'origine, destiné à apporter du renfort et une assistance générale, mais se révéla également très utile pour la défense. Certaines divisions de catégorie II ne disposaient pas de ce régiments, car il était de formation relativement récente. Le fait que 9 des 10 bataillons blindés bénéficiaient d'une assistance très modeste de l'infanterie rendait cette organisation très 'lourde en chars'. C'est pourquoi elle était des plus inadaptées en terrain difficile ou pour maintenir des lignes de défense fixes. C'est la raison pour laquelle aucune division de chars ne fut envoyée en Afghanistan.

Si une division blindée manquait d'équipements modernes, 1 ou 2 régiments continuaient à utiliser des véhicules d'un modèle plus ancien au profit des autres (par exemple dans certaines divisions un régiment disposait de T-80 tandis que d'autres avaient des T-72 ou des T-64). Cependant, les fusiliers motorisés des divisions de catégorie I étaient toujours équipés de BMP.

La division avait une puissance de tir d'artillerie beaucoup plus grande que son équivalent américain. Cependant, les canons et roquettes du régiment d'artillerie étaient destinés à des attaques par bombardements massifs, et non à une assistance générale ''sur demande''. L'artillerie et les mortiers affectés à chaque régiment étaient en revanche prévus à cet effet. La plupart des divisions de catégorie II et certaines de catégorie I utilisaient encore des pièces d'artillerie tractées, ce qui les rendait particulièrement vulnérables au contre-feu de la batterie adverse.

Il faut noter que, contrairement à l'armée américaine, des divisions soviétiques n'avaient pas une forte assistance par hélicoptère. Dans l'armée soviétique, les hélicoptères étaient organisés en régiments indépendants, contrôlés par le QG. Ces régiments recevaient beaucoup d'équipements, comme l'artillerie ou autres réserves. Les régiments d'hélicoptère n'avaient pas de troupes à terre, aussi la coordination air-sol s'effectuait-elle plus lentement. En Afghanistan, il fallut à peu près 2 ans pour mettre sur pied un système de communication et une tactique efficace.

La division de fusiliers motorisés

Organigramme de la 58ème division de fusiliers motorisés en 1989.

Les "fusiliers motorisés" étaient l'équivalent soviétique de l'infanterie motorisée. Les soldats n'appartenant pas à la branche des fusiliers motorisés appelaient souvent cette dernière пехота, ce qui signifie littérallement "infanterie", bien qu'il n'existait plus alors de divisions d'infanterie dans l'armée soviétique.

Avec un effectif de 12 695 hommes, la division de fusiliers motorisés constituait le cœur de l'armée soviétique. Lors des attaques, elle était censée porter assistance aux divisions de chars ou de les suivre en consolidant les brèches. Dans les actions défensives, elle devait occuper les lignes de front et arrêter l'ennemi. À l'exception d'une division aéroportée et de diverses troupes spéciales, l'armée soviétique déployée en Afghanistan était composée exclusivement de fusiliers motorisés.

Les divisions de catégorie I comportaient un régiment sur BMP et 2 régiments sur BTR ; les régiments, progressivement, furent réarmés avec des BMP, vu que la production de ces derniers se poursuivait. Tous les régiments des divisions de l'Arctique disposaient généralement de MT-LB plutôt que de BMP ou BTR. Les divisions de catégorie II et III étaient plutôt équipées de BTR.

Chaque division avait également son propre régiment de chars, ce qui lui confèrait une énergie défensive très utile et une grande puissance pour contre-attaquer. Les divisions comportaient aussi quelques bataillons spéciaux de chars. Trois d'entre eux se trouvaient dans les régiments de fusiliers motorisés (1 par régiment). Ces bataillons disposaient de 4 chars par section, au lieu de 3. L'autre bataillon spécial était contrôlé par la division et comptait 5 compagnies au lieu de 3, plus des véhicules du génie pour la pose de ponts et le déblaiement des mines.

Le reste de la division était semblable à la division de chars quant à son organisation. Seules quelques divisions de fusiliers motorisés furent entièrement rééquipées avec les nouveaux canons automoteurs 2S1 et 2S3. La plupart avaient seulement une artillerie tractée, en particulier dans le régiment d'artillerie.

Le bataillon de chars

Les bataillons soviétiques de chars étaient des organisations très légères, comportant uniquement des chars. Ils comprenaient normalement 3 compagnies, mais le bataillon indépendant spécial en avait 5, plus les soldats du génie. Il y eut des essais de bataillon à 4 compagnies pour les nouvelles brigades combinées.

Il faut noter que, parce que les Russe se battent à l'image de leur organisation, la bataillon de chars, théoriquement puissant, révèle de sérieuses faiblesses. Si les chars avaient besoin de coordination avec l'infanterie, ils devaient le faire à des niveaux élevés (bataillon et régiment). Les sections et compagnies individuelle n'interfèraient que très peu ; les demandes de tirs d'artillerie, d'écrans fumigènes... devaient passer par le QG du bataillon ou être faites auprès du véhicule de contrôle du tir d'artillerie. Rien n'était prévu pour établir, entre les commandants de section ou de compagnies, des communications directes au sujet des armes de soutien. Enfin, les commandants à la fois de compagnies et de bataillon étaient censés commander leur propre char. Le second officier n'avait pas de char, il se déplacait dans un véhicule non blindé, à l'arrière, avec l'état-major. Les officiers russes avaint appris à "commander depuis le front" ; si l'un d'eux était tué ou blessé, il n'y avait pas de second officier pour prendre la relève.

Cependant, il devait être difficile d'arrêter une multitude de bataillons de chars, notamment si leur blindage réactif était imperméable aux missiles antichars utilisés généralement par l'infanterie. Bien que faible du point de vue tactique, le bataillon de chars aurait une action déterminante s'il était utilisé en masse.

Le bataillon de fusiliers motorisés

Contrairement au bataillon de chars, les bataillons de fusiliers motorisés disposaient d'un assortiment complet d'armes de soutien appropriées. La batterie mortier était un élément traditionnel de l'armée soviétique, et le modèle de 120 mm, ancien mais encore efficace, fut utilisé jusqu'au début des années 1980. Les Russes disposèrent, depuis cette date, d'un nouveau mortier de 82 mm à chargeur automatique (Vasilyek AM 2B9). Ces mortiers automatiques furent extrêmement efficaces en Afghanistan.

La section AGS représentait un nouvel ajout. L'AGS-17 est un lanceur de grenades de 30 mm à tir rapide. En tirant par rafales, il peut former un barrage d'artillerie miniature à une distance d'environ 1200 m, ce qui fait de lui une arme idéale de soutien pour l'infanterie. Bien que l'AGS soit facilement transportable par les hommes sur un trépied, il était couramment monté sur les tourelles ou le toit arrière des BMP ou BTR. En Afghanistan, ces armes se sont révélés extrêmement efficaces.

La section anti-chars des bataillons BTR ne comprenait pas seulement des missiles AT-3 ou AT-4, mais aussi des canons SPG-9. Le SPG-9 est une version sur trépied du canon de 73 mm basse pression du BMP-1. Il est censé apporter une puissance de tir antichar à courte portée, au cas où l'ennemi arrive à la portée minimale des missiles antichars. Ce phénomène était particulièrement important pour les anciens modèles AT-3 avec joystick, dont la portée minimale était d'au moins 500 m !

La section de défense antiaérienne était armée de missiles sol-air portables (SA-7, SQ-7A, SQ-7B, SA-14, SA-16). Elle était normalement divisée entre les compagnies de fusiliers (une par section de fusiliers). Chaque section de fusiliers motorisés avait ainsi sa propre arme antiaérienne.

Dans tous les contextes, le bataillon de fusiliers motorisés était une bonne arme de combat universelle, notamment quand il était équipé de BMP. Il constitua le cœur de l'armée soviétique en Afghanistan.

La compagnie de chars

L'organisation russe de la compagnie de chars était identique à celle utilisée pendant la Seconde Guerre Mondiale : 3 sections par compagnie, 3 chars par section, et un char de commandement. Dans la bataillon rattaché aux régiments de fusiliers motorisés, les section avaient un quatrième char.

Les sections russes de chars ont toujours opéré en tant que groupe unifié. En réalité, les 10 chars de la compagnie tout entière opèraient généralement ensemble, les chars roulant soit côte à côte, en triangle (2 devant, 1 derrière) ou en colonne. C'est la raison pour laquelle les sections individuelles pouvaient ne pas avoir d'officiers pour les conduire. Les commandants russes n'assignaient presque jamais de tâches indépendantes aux unités sans officiers, en raison de la qualité médiocre des sergents russes. Quelquefois, une compagnie de chars, ou même une section de chars, conduite par un officier, pouvait recevoir l'ordre de mener ou d'assister une autre unité. C'était une pratique des plus courantes dans les régiments de fusiliers motorisés, où le commandant du régiment (un fantassin) ne s'occuperait pas de diviser son bataillon de chars. Cette approche fut utilisée de nombreuses fois en Afghanistan.

La compagnie de fusiliers motorisés (sur BMP)

La compagnie russe de fusiliers motorisés ressemblait à un bataillon de fusiliers motorisé en miniature. La compagnie n'incluait pas seulement une compagnie de combat, mais comprenait aussi une section d'armes lourdes. Dans les unités sur BMP modernes, la section transportait des AGS-17 (lance-grenades automatiques). Bien qu'ils semblaient faire double emploi avec canon automatique de 30 mm des BMP, les lance-grenades étaient très utiles lorsque l'infanterie mettait pied à terre et se rendait sur un terrain trop accidenté pour les véhicules blindés.

Les escouades russes d'infanterie sans les BMP étaient de petite taille : en général 6 hommes, plus le commandant, qui restait souvent monté. Cependant, l'escouade transportait 2 canons légers, qui lui confèrait une puissance de tir plus grande que celle des Américains (une seule mitrailleuse). C'était une différence importante. L'expérience du combat, tout au long du XXème siècle, prouve que les armes ayant une grande puissance de tir (comme les mitrailleuses) sont beaucoup plus efficaces que les fusils individuels. Cela signifie, en ajoutant une seconde mitrailleuse à chaque escouade que, dans un combat opposant deux escouades, les Soviétiques avaient un large avantage en matière de puissance de feu. L'escouade transportait aussi un lance-roquettes RPG, une arme plus utile et efficaceque la LAW américaine. D'un autre coté, l'escouade n'avait pas d'équivalent au lance-missile antichar M47 Dragon américain. Ses uniques missiles antichars étaient sur les BMP ; cependant, les missiles des BMP-2 pouvaient être démontés.

Contrairement à de nombreuses compagnies occidentales, la compagnie de fusiliers motorisés toute entière était censée combattre, y compris le commandant. Il n'y avait pas de véhicules supplémentaires du QG pour semer la confusion ou brouiller les cartes. L'état-major du capitaine se composait de sa fidèle radio R-126 qu'il transportait lui-même.

La compagnie de fusiliers motorisés (sur BTR)

La compagnie de fusiliers motorisés équipée de BTR était très semblable à la compagnie sur BMP. Les escouades d'infanterie étaient organisées de la même façon que celles sur BMP, avec les mêmes forces et faiblesses.

La compagnie sur BTR présentait cependant une différence très nette : une section d'armes lourdes plus forte, avec 2 AGS-17 dans un BTR, l'autre transportant 3 missiles antichars AT-3 ou AT-4. En cas d'attaque, ils suivaient la section, prêts à être démontés si des chars ennemis apparaissaient.

Bien que le BTR soit muni de roues, et par conséquent moins mobile en campagne, une compagnie sur BTR était probablement meilleure en combat sur terrain accidenté. C'est pourquoi l'escouade ne pouvait vraiment pas combattre depuis ses véhicules. Lors d'un combat, les hommes descendaient, se battaient pied à pied, y compris le chef d'escouade. En fait, c'est parce qu'il est très difficile de descendre du BTR-60 ou BTR-70 (sous le feu) que les hommes descendaient fréquemment avant le combat. Seuls un artilleur et un conducteur restaient à bord du véhicule. Il en résulte un groupe de fantassins plus forts, mieux conduits, plus indépendants. C'est la règle à observer dans les épaisses forêts, les montagnes, les zones urbaines (endroits où le véhicule ne peut pas vraiment circuler). Cette différence tactique, autant que le coût des BMP, peut expliquer pourquoi l'armée soviétique construisit des BTR pour en doter de nouvelles unités.

Source :
  • Inside the soviet army, Carey Schofield, Headline Book Publishing, 1991
Page mise à jour le 25/12/2010