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Yakovlev Yak-36

Yak-36 "38 jaune", le deuxième prototype construit pour les essais en vol.

Origine du Yak-36

La firme russe Yakovlev est l'un des constructeurs les plus prolifiques en matière d'avion à décollage et atterrissage vertical (VTOL) puisqu'elle a construit pas moins de trois appareils différents de ce type (les Yak-36, Yak-38 et Yak-41) et continue actuellement ses recherches dans ce domaine. Lockheed a également construit trois VTOL, les XFV-1, XV-4 et récemment le X-35 B qui sera peut-être le premier VTOL purement américain à entrer en service. Seule la firme Bell a fait mieux avec l'ATV, le XV-3, le X-14, le X-22, le XV-15, le V-22 et le projet XF-109. Cependant, à l'exception du V-22 construit en collaboration avec Boeing, les appareils de Bell sont tous restés au stade expérimental alors que Yakovlev a mis en service le Yak-38 et aurait certainement mis également en service le Yak-41M sans la chute de L'URSS tant cet appareil semblait réussi.

L'intérêt des soviétiques pour les avions à décollage et atterrissage vertical remonte, comme à l'ouest, à la fin de la seconde guerre mondiale avec notamment l'examen des travaux allemands dans ce domaine, comme le Focke-Wulf Triebflugel. En 1946, Boris Youryev présente les projets KIT-1 et -2, des appareils décollant en position verticale (avec un moteur à piston VK-108) et qui étaient semblables au Convair XFY-1, le premier VTOL de l'histoire à avoir réalisé une transition complète en 1954. En 1947, Alexeï Shcherbakov (un constructeur russe assez obscur connu pour sa collaboration avec Nikitine sur les biplans IS-1, IS-2 et IS-3) propose un appareil appelé VSI qui était un chasseur muni de deux réacteurs Junkers Jumo 004 montés dans des nacelles pivotantes en bout d'aile, un concept testé en vol avec succès beaucoup plus tard sur le EWR VJ-101C et envisagé également par les Américains sur le Bell XF-109. Le projet de Shcherbakov ne dépassa pas le stade du banc d'essai des moteurs Jumo 004.

L'origine des VTOL Yakovlev remonte quant à elle à 1960, quand Alexandre Yakovlev observe les essais du Short SC-1 au salon de Farnborough en septembre 1960. Il décide à son retour en URSS de construire un appareil expérimental similaire. Yakovlev reçoit rapidement le soutien des autorités et forme une équipe d'étude dirigée par Stanislav G. Mordovin et Leon M. Chekhter, pour étudier un avion à réaction SVVP (ADAV ou VTOL en russe).

Yakovlev obtient l'assistance technique des ingénieurs du LII, dirigé par les professeurs V.N. Matveyev et A.N. Rafaelyants, qui avaient construit le banc d'essai Tourbolyot semblable au Rolls-Royce TMR "Lit cage volant" et qui avait volé la première fois en 1957. Cet engin utilisait un turboréacteur Mikhouline RD-9BL (AM-9) installé verticalement et développant 24,5 kN de poussée et était contrôlé par des buses d'éjection d'air comprimé (prélevé dans le compresseur du moteur). Cet appareil, piloté pour la première fois par Youri Garnaviev (le premier pilote soviétique de VTOL), avait permis d'expérimenter le pilotage d'un appareil à décollage vertical.

Pour le nouvel appareil, l'idée de base était d'ajouter un compartiment supplémentaire à un Yak-30 existant pour créer le Yak-30V, avec deux réacteurs supplémentaires RU-19 montés verticalement entre les canaux d'alimentation en air du turboréacteur de croisière. Ce projet fut rapidement remplacé par le Yak-V basé sur le même principe que le Hawker P.1127, avec un turboréacteur de la classe des 10 tonnes de poussée munis de quatre tuyères orientables.

Cependant, ce type de moteur (deux tuyères en sortie de compresseur haute pression et deux autre en sortie de turbine haute pression) n'existait pas en Union Soviétique, et aucun moteur double flux n'avait un taux de dilution approprié pour être équipé de tuyères orientables comme le Pegasus Britannique.

Une autre solution envisagée, beaucoup plus simple à réaliser, était d'équiper un turboréacteur existant avec une ou deux tuyères orientables à l'extrémité arrière du moteur et d'utiliser des réacteurs d'appoint installés verticalement pour les décollages et atterrissages verticaux (solution finalement utilisée sur les Yak-38 et Yak-41).

Une solution encore plus simple était de reprendre le principe adopté en 1955 sur le Bell model 68 (X-14, puis X-14A et X-14B) où les tuyères orientables de deux turboréacteurs Armstrong-Siddeley Viper 8 de 700 kgp étaient placées au niveau du centre de gravité de l'appareil. L'avion décollait sur la poussée des moteurs orientés vers le bas et quand il était parvenu à une certaine hauteur, les tuyères étaient orientées peu à peu vers l'arrière jusqu'à ce que la vitesse soit suffisante pour que la sustentation des ailes prenne le relais. Pendant les phases de vol stationnaire, le contrôle de l'appareil en roulis et en tangage était assuré par des jets d'air comprimés expulsés par des buses orientables en bout d'aile et dans la queue.

Yakovlev reprend exactement le même principe pour le Yak-36 en sélectionnant deux turboréacteurs Toumanski R-27, dans une version conçue par une équipe menée par K. Khachatourov.

Le Tourbolyot en vol en 1957. Modèle de l'Izdelye V, le futur Yak-36.
(crédits photo : OKB Yakovlev)

Caractéristiques du Yak-36

Le R27-300 a tourné au banc pour la première fois en 1962. La tuyère était équipée d'un dispositif de pivotement actionné par un moteur hydraulique de sorte qu'elle pouvait être inclinée de 95° vers le bas pour l'atterrissage ou le décollage. Comme le X-14, le Yak-36 était équipé d'un dispositif de buses d'éjection d'air comprimé pour le contrôle en vol stationnaire, mais néanmoins plus complexe que sur le X-14.

Début 1961, les lignes générales de l'avion sont fixées, et l'appareil est désigné au début Izdelzlye V (V comme vertikalnyi) puis Yak-36. Les constructeurs en chef étaient S. Mordovine et A. Sidorov, l'ingénieur en chef V.N. Pavlov, et les responsables du programme d'essai en vol K.B. Bekirbayev et V.N. Gorchkov. Yakovlev était assisté par des spécialistes du LII : Y. Garnayev (qui avait été chef pilote sur le Tourbolyot) et les aérodynamiciens A. Kvachnine et Y. Snejko. Un budget est attribué pour la construction d'un fuselage d'essais structuraux et de trois avions complets, le n° 36 pour les essais statiques, et les n° 37 et 38 pour les essais en vol.

Bien que le Yak-36 fut conçu uniquement comme appareil de recherche, les trois avions avaient deux points d'emport sous les ailes pouvant supporter 600 kg de charge. Le n°37 emportait du matériel de mesure sur ses points d'emport, tandis que le n°38 avait des pylônes pour des lance-roquettes UB-16-57. Les petites ailes delta avaient un profil SR-12, un angle de bord d'attaque de 37°, et un dièdre négatif de 5°. Chaque aile avait deux longerons et des nervures alignées parallèlement au fuselage.

Le Yak-36 n°36 lors des essais dans la soufflerie T-101 du TsAGI. Vue arrière du Yak-36 n°36.

Le fuselage avait une section transversale presque circulaire, légèrement aplatie en-dessous. En avant du longeron principal, la partie supérieure du fuselage était constituée d'un compartiment d'équipements de mesure suivi de l'habitacle pressurisé avec un pare-brise moulé et une canopée articulée sur le coté. La partie inférieure était entièrement occupée par les deux moteurs et leurs prises d'air, les équipements annexes des moteurs causant de grands renflements avec des auvents de refroidissement.

Derrière l'habitacle, le fuselage abritait les réservoirs de carburant d'une capacité de 3080 litres, suivis de l'empennage. La dérive et les empennages horizontaux étaient monoblocs et actionnés par des moteurs hydrauliques.

Le train d'atterrissage en tandem comportait une roulette de nez se rétractant dans un compartiment entre les prises d'air, des balancines se rétractant dans des carénages à l'extrémité des ailes et un train principal à roues jumelées se rétractant dans un compartiment à l'arrière du fuselage.

Le problème le plus important était la stabilité de l'appareil, particulièrement à proximité du sol. Le contrôle de l'appareil en vol stationnaire était assuré par des buses d'éjection d'air comprimé (prélevé au niveau des compresseurs des moteurs) situées dans les saumons d'aile, dans un carénage sur le cône arrière et à l'extrémité de la grande perche de nez. Les buses de nez et de queue était doubles et indépendantes pour le contrôle en lacet et en roulis. La panne d'un moteur causerait une chute rapide, mais on espérait que les buses maintiendrait l'attitude de l'appareil pour permettre une éjection saine du pilote.

Les essais en vol du Yak-36

L'appareil n° 36 est terminé à l'automne 1962 puis est testé dans la soufflerie T-101 du TsAGI dans toutes les configurations de vol. Ces tests permettent notamment à Yakovlev de mettre au point les cloisons anti-réingestion d'air chaud des réacteurs, phénomène observé sur beaucoup de VTOL qui pose non seulement des problèmes de stabilité et de contrôle mais réduit aussi sérieusement la poussée.

Fin 1962, les essais au sol commencent au LII de Joukovski sur l'avion solidement entravé. Il y avait peu de problèmes avec les réacteurs soufflant à travers une grille sur un banc d'essai spécial, mais avec un sol normal, il y avait une telle réingestion de gaz chaud que l'appareil ne pouvait même pas se soulever de quelques centimètres. Pourtant, en théorie, la puissance installée excédait de deux fois la masse de l'appareil à vide.

Ce problème a été résolu en équipant le n°37 de deux cloisons parallèles disposées perpendiculairement à l'axe du fuselage. Youri Garnayev réalise le premier vol sous entraves le 9 janvier 1963. À la même époque, Valentine Moukhine rejoint l'équipe Yakovlev comme pilote d'essai ainsi que D.A. Kolotourski comme mécanicien de support. Le 23 juin 1963, Garnayev réalise le premier vol libre stationnaire du Yak-36. Ces vols stationnaires étaient assez erratiques, en raison de variations de poussée intempestives des moteurs et du manque d'efficacité des buses d'éjection d'air comprimé.

Le premier vol conventionnel du premier avion VTOL à réaction soviétique est réalisé par Moukhine le 27 juillet 1964 avec l'appareil n° 38. Les vitesses de décollage et d'atterrissage conventionnelles étaient d'environ 250 km/h. Peu après, les appareils sont modifiés en agrandissant les entrées d'air, en montant les cloisons anti-réingestion sous le fuselage, en remodelant les tuyères des moteurs, et en ajoutant deux ailerons sous la queue.

Cette photo du Yak-36 n°36 montre la configuration initiale de l'entrée d'air et de la trappe du train principal.
(crédits photo : OKB Yakovlev)
Décollage vertical du Yak-36 n°37 à Domodedovo.

Les cloisons gauche et droite sous le nez étaient inclinées de 35° en position ouverte et actionnées hydrauliquement. Ces cloisons détournaient les gaz chauds des entrées d'air pendant les décollages et atterrissages verticaux. Les tuyères des moteurs R27-300 étaient complètement remodelées. Le Yak-36 était également équipé d'un système automatique d'éjection appelé SKE (Sistema Katapultirovaniya Ekstremalnaya) qui déclenchait l'éjection du pilote quand le système détectait un paramètre anormal comme une attitude trop inclinée ou une cadence de descente trop élevée en vol stationnaire. Ce système sera installé dans des versions successives sur tout les VTOL Yakovlev et fonctionnera de manière satisfaisante. Le siège éjectable était un modèle Yakovlev KYa-1 (Krieslo Yakovleva) de type zéro/zéro.

En juillet 1964, Moukhine remplace Garnayev comme chef pilote du Yak-36 en raison de l'accident qui avait blessé ce dernier aux commandes du Kamov Ka-22 Vintokril. Moukhine réalise le premier vol stationnaire à partir d'une surface sans grille le 27 septembre 1964. Il constate que la poussée des moteurs augmentait nettement une fois l'appareil hors des effets de sol et de réingestion des gaz chauds.

Le 7 février 1966, l'appareil n°38 décolle verticalement, fait une transition vers le vol horizontal puis atterrit de manière conventionnelle. Enfin, le 24 mars 1966, une transition complète est accomplie, avec un décollage vertical suivi d'un vol à grande vitesse puis d'un atterrissage vertical. Cette première transition d'un VTOL soviétique, près de dix ans après la première transition de l'histoire pour un jet (en novembre 1956 par le Ryan X-13), montre le retard qu'avait accumulé les soviétiques dans cette technique.

En octobre 1966, Garnayev et Moukhine font des démonstrations avec les appareils n°37 et 38 devant le premier secrétaire Brejnev et d'autres VIP à Koubinka. Peu après, Garnayev est tué aux commandes d'un Mi-6 alors qu'il combattait des feux de forêt en France, laissant Moukhine chef pilote pour le programme Yak-36. L'appareil n°38 a réalisé quelques essais sur le porte hélicoptère Moskva puis le programme a été stoppé en faveur du Yak-38. L'appareil d'essai au sol n°36 est aujourd'hui visible au musée de Monino près de Moscou.

Le Yak-36 n°38 pouvait emporter des pods lance-roquettes UB-16-57. Le Yak-36 n°38 en vol.
Fiche technique
Longueur 16,75 m
Envergure 10 m
Hauteur au sol 4,5 m
Surface alaire 17 m2
Masse à vide 5300 kg
Masse maximale au décollage 8900 kg
Équipage 1
Motorisation 2 turboréacteurs Toumansky R27-300 à tuyère orientable de 6350 kgp chacun
Plafond opérationnel 12 000 m
Vitesse maximale 1000 km/h à 10 000 m
Distance franchissable 370 km
Course au décollage 0 m (vertical)
Course à l'atterrissage 0 m (vertical)
Armement pods lance-roquettes UB-16-57 (sur le n°38)
Le Yak-36 n°36 dans sa configuration initiale. Le Yak-36 n°38 dans sa configuration de 1967.
Sources :
  • Yakovlev Yak-36, Yak-38 & Yak-41, The Soviet 'Jump Jets', Yefim Gordon, Midland Publishing, 2008
  • OKB Yakovlev, A history of the design bureau and its aircraft, Yefim Gordon, Dmitriy Komissarov & Sergey Komissarov, Midland Publishing, 2005
Pour reproduire cet appareil :
Fabricant Échelle Référence et désignation
Art Model 1/72 72003 Yakovlev Yak-36 Freehand
Amigrand 1/72 AA-2036 Yak-36 Freehand
Page mise à jour le 21/04/2012