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Yakovlev Yak-24

Yak-24 "22 jaune" de début de production en vol.

Le développement du Yak-24

En septembre 1951, Staline convoqua au Kremlin les principaux constructeurs aéronautiques soviétiques pour leur demander de développer, dans un délai d'un an, deux grands hélicoptères ayant une charge utile de 1200 kg et 2400 kg. L'OKB-329 de Mikhaïl Mil et l'OKB-115 d'Aleksandr Yakovlev se mirent au travail : le premier allait donner naissance au Mil Mi-4, tandis que le second s'aventura dans un concept à deux rotors de sustentation en tandem, le futur Yak-24.

Pour accéléer le travail, Igor A. Erlikh (à la tête de la division hélicoptères de l'OKB-115) décida d'utiliser le rotor et le moteur développés par l'OKB-329 pour le Mil Mi-4, à savoir le Chvetsov ACh-82V de 1700 ch et un rotor quadripale de 21 m de diamètre.

Quatre prototypes du Yak-24 (dont deux cellules d'essai statiques) furent construits en parallèle à l'usine n°272 de Leningrad. Un des 4 prototypes servit aux essais statiques et un autre aux tests de résonnance au sol, qui mirent bien vite à jour de sérieux problèmes vibratoires: la machine se brisa au sol après 187 h d'essais de fatigue. Les premiers vols, qui débutèrent à Moscou le 3 juillet 1952 sur le prototype n°01272301, furent également hasardeux et fréquemment interrompus à cause des vibrations. Pour les atténuer, les ingénieurs décidèrent de racourcir le diamètre du rotor de 1 m et de renforcer la structure du fuselage.

Le premier prototype volant du Yak-24 (n°01272301) au sol. Le premier prototype volant du Yak-24 lors des essais en 1952.
Photos couleur de l'un des deux prototypes volants du Yak-24.

Les essais constructeur sur les deux prototypes volant s'achevèrent le 15 novembre 1952 après avoir totalisé 141 vols d'une durée totale de 36 heures et 6 minutes. Les deux machines furent transférées au NII VVS le 31 décembre 1952 pour commencer leurs essais d'acceptation d'état le 7 janvier 1953 sous la direction de l'ingénieur A.M. Zagordan. Les pilotes d'essais retenus étaient P.I. Chichov et M.M. Borodenko. Mais dès le 23 janvier 1953, le premier appareil de série (n°2720101) prit feu lors d'essai de transmission entre les moteurs et les rotors suite à une défaillance sur le roulement d'un arbre de transmission. Le 19 février 1953, lors d'un point fixe des moteurs du second prototype volant (n°012722302), en passant du régime "vol stationnaire" à celui du "décollage", l'appareil entravé au sol se mit à vibrer et brisa ses attaches. Seul un technicien se trouvait alors à bord : ne sachant pas piloter l'engin, il coupa les moteurs, et le Yak chuta d'une hauteur de 3 mètres. Les investigations et l'élimination des causes de l'accident durèrent jusqu'en mai, et les essais d'acceptation ne s'achevèrent favorablement qu'en février 1955.

L'appareil, qui était alors le plus gros hélicoptère au monde, établit plusieurs records le 17 décembre 1955 : le Yak-24 du pilote E.F. Milyoutitchev souleva 4000 kg à une altitude de 2000 m et celui de G.A. Tinyakov emporta 2000 kg à 5082 m.

Accident du prototype n°01272302 sur le terrain de Tchkalov le 19 février 1953. Équipage d'essai posant devant un Yak-24 de début de production. Yak-24 "40 jaune" de début de production durant ses essais.

L'usine n°272 de Leningrad commença à se préparer pour la production en série dès le début de l'année 1953, soit deux ans avant la fin des tests d'acceptation. Les premiers exemplaires de série furent livrés à l'armée de l'air en 1956. Contrairement au Mi-4, le Yak-24 ne fut pas produit à grande échelle : au total, 35 appareils furent construits jusqu'en 1959, toutes versions confondues.

Les quatre exemplaires de pré-série ainsi que les premiers exemplaires de série du Yak-24 possédaient, en plus d'un important empennage vertical, un empennage en V au dièdre positif très marqué (45°), abandonné en janvier 1957 pour un plan horizontal ordinnaire avec un calage fixe et un dièdre de 24° complété par des dérives verticales en bout de plan. Le premier Yak-24 à recevoir ce nouvel empennage fut le n°27203308.

Yak-24 "81 jaune" de début de production.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Yak-24 de début de production remarquable à son empennage en V.
(crédits photo : OKB Yakovlev)
Le Yak-24 n°04302 adopte le nouvel empennage avec dérives verticales en bout de plan.

Caractéristiques techniques

Le Yakovlev Yak-24 était propulsé par deux moteurs à pistons Chvetsov ACh-82V à 14 cylindres en étoile refroidis par air et placés aux deux extrémités du fuselage. Le moteur arrière était installé horizontalement dans la queue, tandis que le moteur avant, qui empêchait toute communication entre la cabine et le cockpit, se trouvait incliné à 60° afin d'entraîner le moyeu du rotor antérieur situé au-dessus du cockpit. Les deux rotors quadripales contrarotatifs étaient interconnectés et pouvaient donc être entraînés par un seul moteur. Afin de réduire l'influence du rotor avant sur le rotor arrière, ce dernier était surélevé. Les réducteurs et les moyeux devaient beaucoup au Mi-4, mais les pales, assez semblables à celles des Mi-4 d'après 1955, quoique plus courtes, présentaient un revêtement métallique et une grande rigidité.

Yak-24 n°27203310 conservé au musée de Monino.
(crédits photo : Ilya Morozov sur Airliners.net)
Vue en coupe du Yak-24. Moteur en étoile Chvetsov ACh-82V de 1700 ch.
Réducteur et moyeu du rotor arrière. Réducteur et moyeu du rotor avant. La prise d'air au-dessus du cockpit est obturée.
(crédits photo : Sergueï Galichev)
Échappement du moteur avant.
(crédits photo : Sergueï Galichev)
Prises d'air et échappement du moteur arrière.
(crédits photo : Sergueï Galichev)
La sonde pitot est solidaire de l'échelle d'accès au cockpit.
(crédits photo : Sergueï Galichev)

Le fuselage de section rectangulaire était constitué de tubes d'acier soudés, recouverts de toile sauf au-dessus des moteurs. La partie avant, largement vitrée, accueillait une mitrailleuse A-12,7 montée sur un affût mobile NUV-2. Le poste de pilotage biplace accueillait les deux pilotes placés côte à côte ainsi que le radio-mitrailleur. De petits véhicules comme le GAZ-69 pouvaient embarquer par une rampe de chargement à l'arrière. La soute mesurait 9,37 x 1,95 x 1,92 m et la capacité de chargement pouvait atteindre 30 soldats équipés, 18 blessés sur civières ou 4 tonnes de matériel. La charge utile normale de 2000 kg pouvait être exceptionnellement portée à 4000 kg.

Console du commandant de bord. Console centrale située au plafond du cockpit.
Disposition de la mitrailleuse A-12,7 et du viseur K-10T. Emplacement de la mitrailleuse A-12,7 sous le cockpit.
(crédits photo : Sergueï Galichev)

Quatre roues non rétractables étaient montées sur amortisseurs oléopneumatiques fixés par d’importants haubans sur les flancs du fuselage, à l’avant et à l’arrière. Chaque roue mesurait 750 x 250 mm et les deux roues avant étaient totalement orientables.

Train avant droit du Yak-24 de Monino.
(crédits photo : Sergueï Galichev)
Train arrière droit du Yak-24 de Monino.
(crédits photo : Sergueï Galichev)

Yak-24U

En 1957, la division de l'OKB-115 basée à Leningrad développa une version de l'hélicoptère capable de porter des charges plus lourdes, le Yak-24U. Le suffixe U, pour Уширенный (élargi), était justifié par l'élargissement du fuselage de 0,4 m. La soute ainsi agrandie pouvait recevoir jusqu'à 37 soldats équipés et de nouveaux véhicules, comme le canon automoteur ASU-57. La charge maximale à l'élingue était de 3,5 tonnes. Les autres modifications notables apportées au Yak-24U furent le retour au rotor initial de 21 m de diamètre et l'adoption d'un empennage horizontal à dièdre nul terminé par deux dérives verticales.

Le prototype du Yak-24U fut obtenu en modifiant un Yak-24 de série, le n°27201304, qui reçut le n°0104 après transformation. Les essais constructeurs commencèrent le 28 décembre 1957, et les essais d'acceptation suivirent en octobre 1958. À partir du début de l'année 1958, l'auto-stabilisateur AP-102M fut monté su le prototype du Yak-24U avant d'être installé sur tous les exemplaires du Yak-24. En 1959, le pilote-automatique AP-31 fut testé avec succès sur l'hélicoptère. Malgré de bonnes prestations, le Yak-24U ne fut pas produit en série, les usines Yakovlev étant déjà surchargées.

L'équipage du NII VVS et les ingénieurs de l'OKB-115 posent devant le Yak-24U "85 jaune". Yak-24U "85 jaune" en vol.
L'élingue du Yak-24U est attachée sur un GAZ-63. Yak-24U soulevant un GAZ-63.

Carrière opérationnelle

Le Yak-24 fut présenté au public au salon de Touchino en août 1955, auquel participèrent quatre appareils. À cette occasion, le Yak-24 fut baptisé Horse par l'OTAN. Les 10 premiers exemplaires de l'appareil furent livrés au 652 VP du MVO en 1956 et basés sur le terrain de Torjok (oblast de Tver). Entre 1956 et 1959, ce régiment reçut 33 Yak-24 répartis en deux escadrilles. La prise en main de l'appareil fut délicate et plusieurs accidents émaillèrent la carrière de l'hélicoptère. Du coups, les pilotes volèrent peu sur Yak-24 : il n'enregistra que 38 heures de vol en 1957 et 68 heures en 1958... En 1959, un Yak-24 fut envoyé dans la régionde Kiev pour participer à des manoeuvres, tandis que deux autres se rendirent en RDA. Au 1er février 1961, on dénombrait encore 27 Yak-24 en service au sein des VVS, mais ils étaient très peu exploités. Le Yak-24 fut remplacé par le Mil Mi-6 dans les régiments d'hélicoptères de transport au début des années 1960.

Yak-24 "22 jaune", "40 jaune" et "25 jaune" de début de production.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Yak-24 "74 jaune" et "70 jaune" du 652 VP sur le terrain de Torjok.
(crédits photo : Yefim Gordon)

En 1959, un Yak-24 ayant reçu les modifications du Yak-24U (excepté l'élargissement du fuselage) et portant le code "35 jaune" fut utilisé comme grue volante pour participer à la restauration du palais de Tsarskoïe Selo, fortement endommagé par les Allemands pendant la guerre. Il mit en place 30 fermes de charpente en bois pesant 3,5 tonnes chacune et 18 fermes métallique de 2 tonnes.

Yak-24 "35 jaune" soulevant un GAZ-51. Remarquez l'empennage horizontal identique à celui du Yak-24U.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Yak-24 "35 jaune" participant à la restauration du palais de Tsarskoïe Selo.

Versions spéciales

Le 20 juillet 1957 débutèrent à Leningrad les essais du Yak-24 Nerpa (ou Yak-24T pour Трубоукладчик, poseur de canalisations), obtenu à partir de l'appareil n°27203310. Cet hélicoptère devait participer à la construction d'oléoducs militaires de campagne du type PMT-100 destiné à ravitailler en essence et lubrifiant les bases de l'armée de terre. Pour cela, il était équipé de deux casiers logés de part et d'autre du fuselage recevant chacun 44 tubes de 40 mm de diamètre. Pour les mettre en oeuvre, les tuyaux étaient largués à très basse altitude (entre 8 m et 40 m). Après 49 vols d'essais, le système fut rejeté car jugé trop vulnérable.

Yak-24T durant ses essais en 1957. Yak-24T en vol.
(crédits photo : Yefim Gordon)

En 1958, l'usine n°272 transforma de nouveau le Yak-24 n°27203310 en hélicopètre ravitailleur emportant en soute 3 réservoirs d'une capacité unitaire de 1060 litres, 10 fûts de 200 litres ou encore 99 jerrycans de 20 litres. Le système de ravitaillement fut baptisé Loutch. L'équipage de l'appareil, commandé par le capitaine S. G. Brovtsev, mit au point une procédure de ravitaillement en vol stationnaire à très basse altitude pour les chars en forêt ou les blindés amphibie. Ce système resta expérimental et le Yak-24 n°27203310, dernier exemplaire survivant de cet hélicoptère, est aujourd'hui exposé à Monino.

En 1959, le Yak-24 n°27206304 fut équipé d'un bras rétractable sous le fuselage recevant plusieurs caméras capable de prendre une image à 360°. Il servit à tourner un documentaire sur Leningrad, intitulé Le chemin du printemps.

Yak-24 "62 jaune" équipé d'une caméra panoramique.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Détail de la caméra panoramique et de son bras rétractable.
(crédits photo : Yefim Gordon)

À la fin de l'année 1959, la division de l'OKB-115 installée à l'usine n°272 développa une version de transport de personnalités baptisée Yak-24K (pour Комфорт, confort). Deux appareils de cette version de luxe furent construits, les n°27208303 et 27208304. Extérieurement, le Yak-24K se distinguait par ses quatres grandes fenêtres carrées le long du fuselage, un escalier incorporé à la porte d'accès et un revêtement métallique. L'intérieur était complètement revu pour accueillir les 8 passagers : chauffage, ventilation, toilettes, cabine insonorisée ou encore téléphone furent installés.

Premier prototype du Yak-24K. (crédits photo : OKB Yakovlev) Second prototype du Yak-24K.

La dernière version du Yak-24 à avoir vu le jour fut le Yak-24A de transport de passagers, développé en 1960 au siège moscovite de l'OKB-115. Dérivé du Yak-24K et basé sur le Yak-24U, il pouvait accueillir 30 passagers répartis sur 10 rangées de 3 sièges. L'unique prototype du Yak-24A fut utilisé par Aeroflot dans une livrée blanche.

Vue de profil du prototype du Yak-24A.
(crédits photo : OKB Yakovlev)
Yak-24A au décollage.
Fiche technique
Yak-24 Yak-24U
Diamètre des rotors 20 m
21 m
Longueur du fuselage 22,4 m 22,4 m
Largeur du fuselage - -
Hauteur au sol 6,5 m 6,5 m
Masse à vide 10 607 kg 11 000 kg
Masse maximale au décollage 14 270 kg 15 830 kg
Équipage 3 3
Motorisation 2 Chvetsov ACh-82V développant 1700 ch unitaires 2 Chvetsov ACh-82V développant 1700 ch unitaires
Plafond opérationnel 4200 m 4000 m
Vitesse de croisière 156 km/h -
Vitesse maximale 175 km/h 173 km/h
Distance franchissable 395 km
1000 km en convoyage
-
Armement 1 mitrailleuse Afanasyev A-12.7 de 12,7 mm (150 coups) 1 mitrailleuse Afanasyev A-12.7 de 12,7 mm (150 coups)
Profil du premier prototype volant du Yak-24. Profil de Yak-24 de début de production. Profil de Yak-24 avec empennage définitif.
Profil de Yak-24U. Profil de Yak-24T. Profil du premier prototype du Yak-24K.
Yak-24 "79 rouge", 652 VP, Torjok, fin des années 1950. Yak-24 "35 jaune", restauration de Tsarskoïe Selo, été 1959. Yak-24U "85 jaune", 1958.
Premier prototype du Yak-24K, Leningrad, décembre 1959. Second prototype du Yak-24K, mars 1960. Yak-24A Aeroflot, Moscou, 1960.
Sources :
  • Вертолёт Як-24, Н.В. Якубович, Авиаколлекция 3/2011
  • OKB Yakovlev, A history of the design bureau and its aircraft, Yefim Gordon, Dmitriy Komissarov & Sergey Komissarov, Midland Publishing, 2005
  • Le Yakovlev Yak-24, un wagon sur de mauvais rails, Nicolas Yakoubovich, Alexandre Nicolsky, Le Fana de l'Aviation n°503, octobre 2011
  • page sur le Yak-24 du site Airwar.ru
  • photoscope du Yakovlev Yak-24 conservé à Monino sur Dishmodels.ru
Pour reproduire cet hélicoptère :
Fabricant Échelle Référence et désignation
Anigrand 1/72 AA-2088 Yakovlev Yak-24 Horse
Page mise à jour le 21/04/2012