GAZ-46 sortant de l'eau.
Dans le cadre du prêt-bail (lend-lease) mis en place par les États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, plus de 3000 exemplaires de la Ford GPA (version amphibie de la Ford GPW, la fameuse jeep de l'US Army) furent cédés à l'URSS (au total, 12 778 exemplaires ont été produits de 1942 à 1943). Peu appréciés par l'armée américaine, ces véhicules furent en revanche particulièrement utiles à l'Armée Rouge pour la traversée des lacs et rivières d'Europe de l'Est, les Allemands en retraite tentant de ralentir les Soviétiques en détruisant les ponts.
Après la guerre, l'URSS décida de se doter de son propre véhicule de reconnaissance amphibie et l'étude en fut confiée à l'institut scientifique NAMI. Le développement de la NAMI-011 débuta en 1948 sous la direction de B.V. Chichkine, dont l'équipe était notamment composée de A.G. Arkharov, V.F. Goranov, K.S. Karpoukhine, P.A. Lobounsky et N.A. Petrov.
Bien qu'obsolète et peu adaptée au projet, la seule base alors disponible pour la conception de ce véhicule était la GAZ-67B, la jeep soviétique de la Grande Guerre Patriotique. Sa remplaçante, la GAZ-69, était en effet à cette époque au stade de l'essai des premiers prototypes et donc encore très loin de la version de série.
L'architecture générale de la NAMI-011 fut copiée sur la Ford GPA dont un exemplaire avait été d'ailleurs mis à la disposition de l'équipe de conception : le compartiment moteur à l'avant, l'équipage au centre et la roue de secours montée à l'horizontal sur le pont arrière. Le système de propulsion dans l'eau (une hélice située à l'arrière du véhicule) était lui aussi inspiré de l'amphibie américaine (l'hélice de la Ford GPA avait 3 pales tandis que celle de la NAMI-011 en avait 4).
Initialement prévus pour la mi-mars 1949, les deux premiers prototypes de NAMI-011 ne furent prêts qu'à la fin du mois d'avril. Les tests effectués par l'usine du 3 au 13 mai sur terre et sur l'eau permirent de corriger une série de défauts mineurs (fuites d'huile au niveau des organes de transmission et de suspension, problèmes d'étanchéité de la coque à cause de cordons de soudure de mauvaise qualité ...).
À la demande de l'armée, un essai comparatif avec le Ford GPA fut ensuite organisé du 1er au 30 juin près de la ville de Bronnitsy où coule la Moskova. Les tests se déroulèrent en trois phases : les véhicules furent d'abord pesés et mesurés, puis essayés sur route avant d'être essayés sur l'eau. Les résultats furent jugés globalement positifs bien que quelques améliorations soient encore à apporter.
Le passage avec succès des essais d'acceptation à l'automne dans les environs de Leningrad conduisit à la validation pour la mise en production à l'usine automobile de Gorki (GAZ).
La documentation technique fut transmise aux ingénieurs de GAZ en 1950 pour préparer la mise en production. Ces travaux firent cependant apparaître des défauts de conception relativement graves en si grand nombre qu'une remise à niveau du véhicule s'imposa. Entre autres modifications, la forme de la coque fut revue pour améliorer l'hydrodynamisme en réduisant la traînée.
La construction de préséries au printemps 1951 précéda le lancement de la production en série en juin de la même année. La désignation d'usine du véhicule était désormais GAZ-011 et sa désignation militaire MAV (pour малый автомобиль водоплавающий, ou voiture amphibie légère).
Le décret du Conseil des Ministres de l'URSS n°981 du 14 mars 1951 attribua le prix Staline au troisième degré à B.V. Chichkine et cinq membres de son équipe pour le développement de la NAMI-011 (récompensant une contribution exceptionnelle aux arts, à la littérature, à la recherche ou à la science, le prix Staline était l'équivalent soviétique du prix Nobel). Cette récompense leur fut cependant retirée l'année suivante pour d'obscures raisons (décret du Conseil des Ministres de l'URSS du 15 mai 1952). La raison officielle était que la conception de la NAMI-011 n'était pas aboutie.
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Vue de 3/4 avant de la GAZ-011. | GAZ-011 conservée au musée polytechnique de Moscou. | |
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GAZ-011 en cours de restauration. De très nombreuses pièces sont manquantes.
(crédits photo : Igor Suhin sur walkarounds.airforce.ru) |
GAZ-011 entrant dans l'eau. | Schéma de la planche de bord de la GAZ-011. |
Les travaux de développement de la GAZ-69 avaient fortement avancé entre-temps et en 1951 le nouveau tout-terrain était même prêt pour la série. Il était donc évident que la production de la GAZ-011 ne s'inscrirait pas dans la durée et dès la fin de l'année 1950 l'étude d'une version amphibie de la GAZ-69 avait été entamée. Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, ce travail fut ralenti par des tentatives désespérées d'augmentation des performances de la GAZ-011. La conception de cette dernière était en effet perfectible mais engager des efforts dans cette direction était strictement inutile puisqu'il n'y avait aucune perspective d'avenir.
Un dispositif visant à augmenter l'hydrodynamique de la GAZ-011 fut ainsi d'abord étudié mais les travaux ne dépassèrent pas le stade de l'expérimentation. En effet, le gain de vitesse obtenu ne compensait absolument pas le temps nécessaire à l'installation du système sur le véhicule.
À l'automne 1951, l'ingénieur V.A. Kreschouk alla encore plus loin en décidant de reprendre en profondeur la conception du véhicule dans l'objectif de développer un amphibie fondamentalement différent bien que non totalement étranger à la GAZ-011. Cette machine fut désignée GAZ-48 (désignation militaire : MAV-3). Les performances visées semblaient fort intéressantes mais se révélèrent malheureusement irréalistes : une vitesse de 110 km/h sur route, 16 à 18 km/h sur l'eau ...
Ce n'est en définitive qu'à la fin de 1952 que les travaux sur les GAZ-011 et GAZ-48 furent abandonnés. Le développement de la GAZ-46 (désignation de l'amphibie sur base de GAZ-69) avait néanmoins progressé en parallèle. Les deux premiers prototypes furent prêts en avril de cette même année, puis deux autres durant l'été. Les tests furent passés avec succès et en 1953 la GAZ-46 remplaça la GAZ-011 sur la ligne de montage après 68 exemplaires produits seulement.
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Vue de 3/4 avant de la GAZ-46 mettant en évidence l'orifice situé au niveau de l'aile avant droite qui fait déboucher l'échappement au-dessus de la ligne de flottaison. Le brise-lames est rabattu vers l'arrière.
(crédits photo : Mårten Carlsson sur CarDatabase.net) |
Vue de 3/4 avant de la GAZ-46. On peut observer la structure supportant la bâche. |
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Hélice et gouvernail de la GAZ-46.
(crédits photo : Sergei Protasenya sur abs.by) |
Planche de bord de la GAZ-46. |
La GAZ-46 fut produite jusqu'en 1958. C'est en effet à cette époque que la production de la GAZ-69 fut transférée de Gorki à Oulianovsk (UAZ), où il n'y avait pas de capacité industrielle pour produire l'amphibie. L'arrêt de la production fut de plus motivé par la faible demande dont le véhicule faisait l'objet.
NAMI-011 n°1 | NAMI-011 n°2 | GAZ-011 | GAZ-46 | |
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Longueur | 4825 mm (*) | 4855 mm (*) | - | 4930 mm |
Empattement | 2110 mm | 2110 mm | 2110 mm | 2300 mm |
Voies avant / arrière | 1450 / 1445 mm | 1444 / 1440 mm | 1460 mm | 1440 mm |
Garde au sol | 238 mm (*) | 240 mm (*) | ||
Poids à vide | 1948 kg (*) | 1960 kg (*) | - | 1850 kg |
Équipage | 4 | 4 | 4 | 5 |
Configuration d'essieux | 4x4 | 4x4 | 4x4 | 4x4 |
Moteur | 4 cylindres de 3285 cm3 développant 54 ch à 2600 tr/min | 4 cylindres de 3285 cm3 développant 54 ch à 2800 tr/min | 4 cylindres de 2112 cm3 développant 55 ch à 3600 tr/min | |
Vitesse maximale | 103 km/h sur route
9,5 km/h sur l'eau (**) |
95 km/h sur route
8,7 km/h sur l'eau (**) |
60 km/h sur route
8 km/h sur l'eau |
90 km/h sur route
9 km/h sur l'eau |
Emport en carburant | 2x45 L | 57 L | - | - |
Autonomie | 515 km sur route
375 km en tout terrain 43 km sur l'eau à vitesse maximale (**) |
550 km sur route
440 km en tout terrain 40 km sur l'eau à vitesse maximale (**) |
- | 500 km sur route
5 à 6 heures sur l'eau |
Protection | aucune | aucune | aucune | aucune |
Armement | aucun | aucun | aucun | aucun |
(*) Les différences de poids et de dimensions entre les deux prototypes NAMI-011 étaient liées aux méthodes « artisanales » utilisées pour leur construction.
(**) Les différences de performances entre les deux prototypes NAMI-011 étaient probablement dues à un problème au niveau de la transmission ou du moteur sur la machine N°2.
Page mise à jour le 21/04/2012