Dernières nouveautées

Dernières mises à jour

Tsybine RSR

Le démonstrateur Tsybine NM-1 en vol.

Le développement du RSR et le démonstrateur NM-1

Le 31 août 1956, les autorités soviétiques donnèrent leur accord pour le développement du Tsybine RSR, dérivé du 2RS mais capable de décoller de façon conventionnelle. La conception avança rapidement, et parallèlement, l’OKB-256 créa une version simplifiée, le NM-1, qui devait voler rapidement pour fournir des données. Le projet du RSR fut présenté aux autorités le 26 juin 1957.

À l'automne 1956, un budget était débloqué pour un avion de recherches désigné NM-1 (Натурная Модель) en support du développement du RSR. Cet appareil était un démonstrateur volant basé sur le RSR mais simplifié, avec des turboréacteurs éprouvés. L'aile à cinq longerons avait des ailerons à corde constante à la différence de ceux du RSR. Deux turboréacteurs Mikouline AM-5 évalués à 2000 kgp étaient installés dans des nacelles fixées sur les saumons d'aile. Les entrées d'air de ces moteurs ne comportaient pas de cône central.

Le pilote était assis dans un siège éjectable sous une très petite verrière. Le train d'atterrissage était constitué d'un long ski rétractable hydrauliquement dans un logement plaqué sous le fuselage, d'une petite roulette de queue, ainsi que de balancines rétractables sous les nacelles. Pour des décollages, un chariot largable à deux roues était fixé sous le ski principal.

Après les essais de roulage, de petites surfaces supplémentaires d'aile furent rajoutées à l'extérieur des moteurs. Le fuselage contenait deux réservoirs de kérosène et un réservoir d'eau dans le nez pour équilibrer le centre de gravité à 25,5 % de la longueur.

L'assemblage du NM-1 se termina en septembre 1958. Le 1er octobre, Amet Khan Soultan débuta les essais de roulage, puis réalisa le premier vol le 7 avril 1959. Le plan de vol prévoyait un décollage à 220 km/h, mais après une première tentative, Soultan décolla finalement à 325 km/h, et largua le chariot à 40 m à 400 km/h. Ce dernier se brisa sur la piste (sur les vols postérieurs, il fut équipé d'un parachute de freinage).

Soultan réalisa un circuit à 500 km/h, constatant un léger mouvement de roulis, avant de faire un atterrissage à 275 km/h (90 km/h plus rapide que prévu). En tout, Soultan et Zakharov réalisèrent 32 vols, notant des qualités de vol généralement excellentes mais confirmant la stabilité neutre ou négative en roulis. Le NM-1 apporta la preuve que le concept de base du RSR était satisfaisant.

Modèle du Tsybine RSR.
(crédits photo : Russian Aviation Research Trust)
Le Tsybine NM-1 lors de ses vols d'essai.

Les caractéristiques techniques du RSR

Bien que le RSR dérive directement du 2RS, il en différe par l’adoption de turboréacteurs possédant un important taux de by-pass (à la manière du J-58 des A-12/YF-12/SR-71) et par un train d'atterrissage renforcé pour permettre des décollages conventionnels à pleine charge. Un des choix de conception était d’utiliser une structure aussi légère que possible avec un facteur de charge de seulement 2,5 et en évitant la déformation thermique malgré des températures de revêtement de près de 250°C à pleine vitesse. En conséquence, l'utilisation de l’aluminium fut proscris, bien que quelques éléments (cadres internes d'aile et de queue) étaient en alliage d'aluminium/béryllium.

Comme sur ses prédécesseurs, l'aile avait un taux t/c de 2,5%, une flèche au bord d’attaque de 58° et trois longerons principaux et deux secondaires. Les saumons d’ailes, de 8,6 cm d’épaisseur, portaient des réacteurs double flux Soloviov D-21. Ces moteurs étaient des turboréacteurs avec un taux de by-pass de 0,6 dont le fonctionnement en croisière les apparentait à des statoréacteurs. Les estimations de poussée à sec et avec post-combustion au niveau de la mer étaient de 2 200 kgp et 4 750 kgp respectivement. La masse des moteurs était de 900 kg chacun et le diamètre des nacelles de 1,23 m.

L'appareil avait une finesse de 18,6, le diamètre du fuselage étant de seulement 1,5 m. Toutes les surfaces de l’empennage avaient un taux t/c de 3,5 %, l’empennage vertical était monobloc avec un débattement de ±18°. Toutes les surfaces mobiles étaient assistées hydrauliquement. Le train avant et le train principal monotrace avaient des roues jumelées, et étaient complétés par des balancines sous les moteurs, chacun des quatre trains se rétractant hydrauliquement vers l'arrière. Un parachute frein était logé dans le cône arrière.

Un total de 12000 kg de kérosène était contenu dans des réservoirs structuraux dans le fuselage, plus 4400 kg dans 2 réservoirs externes largables de 650 mm de diamètre. Un système de transfert pompait le carburant (selon le procédé utilisé pour la première fois sur le Miassichtchev M-50) pour ajuster le centre de gravité à 25 % pour le décollage, 45 % en vol de croisière et 26,4 % à l'atterrissage. En vol de croisière, la pression dans l'habitacle était maintenue à 460 mm Hg, la combinaison pressurisée du pilote maintenant 156 mm Hg après éjection.

Un APU (groupe auxiliaire de puissance) permettait le chauffage des compartiments instruments et appareils photo qui étaient installés dans le fuselage central, un chargement typique comportant deux appareils photo AFA-200 (focale de 200 mm) plus un AFA-1000 ou un AFA-1800. Les autres équipements du RSR comportaient un radar panoramique, un pilote automatique, un système de navigation astro-inertiel plus un compas gyroscopique, un récepteur d’alerte radar et des contre-mesures électroniques actives et passives.

L'évolution du RSR vers le RSR R-020

À la réception des données du NM-1 en avril 1959, le RSR a dû être en grande partie remodelé. Cependant, la construction n'a été que peu retardée, et début 1959 les plans pour les cinq premiers appareils R-020 de préséries furent remis à l'usine n° 99 à Oulan-Oude. Mais l'impressionnant avion de Tsybine avait des rivaux et des ennemis politiques. Beaucoup de stratèges pensaient, comme à l'Ouest, que les avions stratégiques étaient obsolètes et que les budgets devaient être transférés aux missiles et à l'espace.

Le 1er octobre 1959, Khrouchtchev ordonna la fermeture de l'OKB-256 de Tsybine, et le ministère transféra le programme RSR à l'OKB-23 de Miassichtchev. Le constructeur effectua alors une étude de faisabilité pour le R-020, mais en octobre 1960 Miassichtchev fut nommé directeur du TsAGI, l'OKB-23 fut donc fermé et le service entier assigné aux lanceurs spatiaux. En conséquence, le programme du RSR fut officiellement annulé.

Le premier exemplaire du RSR R-020 avait été transféré à Joukovski le 29 septembre 1960, mais on ne sait pas avec certitude combien d'exemplaires avaient été mis en chantier à l'usine n°99, certaines sources citant 3 appareils achevés et 10 en construction. Toujours est-il qu'aucun d'entre eux ne vola, et qu'ils furent tous ferraillés, hormis quelques éléments de fuselage visibles à l'institut d'aviation de Moscou.

Le fuselage des RSR R-020 différait sur plusieurs points de la version 1957. Les ailes étaient remodelées avec 8 longerons au lieu de 5 et des nervures usinées entre l'emplanture et la nacelle moteur. Le bord de fuite était équipé d'ailerons avec un débattement maximum de 10°. L'envergure était augmentée par l'ajout d'une courte section à l'extérieur des nacelles moteur. Selon Tsybine, ces extensions, ajoutées suivant les recommandations du TsAGI, n'ont pas eu l'effet désiré et n'ont jamais été installées mais elles sont visibles sur les plans 3 vues disponibles. En fait, le TsAGI voulait une refonte totale de l'aile.

L'empennage était également remodelé avec des plans horizontaux de plus grande surface et une envergure de 3,8 m. L'APU était déplacé en avant, exigeant le raccourcissement du réservoir n°6. L'empennage vertical était également moins haut et avec une flèche plus importante. L'aileron ventral était simplement supprimé. Le train d'atterrissage principal était remodelé avec un bogie à quatre roues avec des pneus de 750 x 250 mm.

Le compartiment photo était également remodelé avec un fond plat et des trappes coulissantes. Les réservoirs de carburant avaient un diamètre augmenté à 700 mm et une longueur réduite à 5,8 m au lieu de 11,4 m. Les moteurs D-21 n'ont jamais pu être mis au point et ont dû être remplacés par des turboréacteurs à post-combustion Toumanski R-11F évalués à 3940 kgp à sec et 5750 kgp avec la post-combustion. Les moteurs étaient installés dans des nacelles plus longues et plus minces, avec des cônes d'entrée d'air axiaux.

Il n'y a aucune raison de penser que la présérie RSR R-020 n'aurait pas eu les performances annoncées. L'appareil a souffert de l'obsession du Kremlin pour les ICBM et l'espace et de la pensée dominante de l'époque, à l'Est comme à l'Ouest, selon laquelle les avions militaires seraient tôt ou tard remplacé par des missiles. Seuls les États-Unis ont eu la sagesse et les ressources pour créer un avion de cette classe, d'abord le Lockheed CL-400 puis, après son abandon, la famille du A-12 et du SR-71.

Vue en coupe du RSR R-020.
Fiche technique
Tsybine RSR Tsybine NM-1 Tsybine RSR R-020
Longueur 27,4 m 26,57 m 27,4 m
Envergure 10,23 m 10,48 m -
Hauteur au sol - - 3,2 m
Surface alaire 64 m2 64 m2 64 m2
Masse à vide 8800 kg 7850 kg 9030 kg
Masse maximale au décollage 21 000 kg 9200 kg 20 800 kg
Équipage 1 1 1
Motorisation 2 réacteurs double flux Soloviov D-21 de 2200 kgp à sec et 4750 kgp avec post-combustion 2 turboréacteurs Mikouline AM-5 de 2000 kgp 2 turboréacteurs Toumanski R-11F de 3940 kgp à sec et 5750 kgp avec post-combustion
Plafond opérationnel 26 700 m - 22 500 m
Vitesse maximale 2800 km/h 500 km/h 2700 km/h
Distance franchissable 3760 km - 4000 km
Course au décollage - - -
Course à l'atterrissage - - -
Armement aucun aucun aucun
Plan 3 vues du Tsybine RSR. Plan 3 vues du Tsybine RSR R-020. Plans couleur du Tsybine NM-1.
(crédits : Jozef Gatyal)
Sources :
  • Soviet secret projects, Bombers since 1945, Yefim Gordon & Tony Buttler, Midland Publishing, 2004
Pour reproduire cet appareil :
Fabricant Échelle Référence et désignation
Kora Models 1/72 KO72050 Tsybin NM-1
Page mise à jour le 21/04/2012