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Soukhoï Su-15

Le Su-15TM "38 jaune" d'une unité de la PVO en vol.

Le développement d'un nouvel intercepteur (T-49 et T-58)

Le Soukhoï Su-15, connu également sous son appellation OTAN de Flagon (bonbonne), est un intercepteur à ailes delta conçu pour remplacer le Su-11. Le manque de fiabilité de cet appareil poussa l'OKB-51 (Опытное Конструкторское Бюро, Bureau d'études expérimentales), dirigé par Pavel Soukhoï, à développer les prototypes T-37 et T-49 en 1958. Sur ce dernier, l'OKB-51 avait opté pour une solution originale concernant les prises d'air, situées de part et d'autre du radome. Lors du vol d'essai en janvier 1960, le pilote d'essai A.A. Koznov loua les performances de l'appareil, notamment son accélération. Mais le développement de ce projet pris fin à la suite de l'accident d'avril 1960.

L'OKB Soukhoï commença alors l'étude d'un nouveau prototype, baptisé T-58, reprenant en partie la configuration du nez du T-49, mais en reculant les prises d'air, de section rectangulaire, au niveau du cockpit. L'arrière du fuselage, les ailes et le réacteur AL-7F-2 étaient identiques à ceux du Su-11. La construction du prototype débuta en juillet 1960, et l'appareil attira très vite l'attention des militaires, qui demandèrent en novembre que l'avion intègre le nouveau radar Vikhr-P et le système de pilotage automatique Polyot. Mais dans un premier temps, c'est le radar alternatif Oryol-2 qui fut retenu. Cette version de l'appareil fut alors baptisée Su-11M (M signifiant modifié).

Le prototype T-49. Vue de face du T-49 mettant en évidence ses curieuses entrées d'air.

Les prototypes du Su-15 (T-58D)

En cas de rejet du T-58 à un seul réacteur, l'OKB-51 développa en parallèle à la fin de l'année 1960 une version à deux réacteurs R21F-300, le T-58D. Après le rejet du T-58 monomoteur et l'arrêt du développement des réacteurs R21F-300 ayant causé la perte du Mikoyan Ye-8/1 le 11 septembre 1962, l'OKB Soukhoï se tourna vers les réacteurs Toumansky R11F2-300 pour propulser le T-58D. Bien que le fuselage soit entièrement nouveau, les ailes, les ailerons et les trains d'atterrissage restaient identiques à ceux du Su-11.

Le premier prototype, baptisé T58D-1 et privé de radar, fut construit à l'usine MMZ n°51 et livré pour débuter ses essais au début de l'année 1962. Il prit son premier envol le 30 mai 1962, avec aux commandes le pilote d'essai en chef de l'OKB-51, Vladimir S. Ilyouchine. Les essais se poursuivirent jusqu'à la fin de l'année, donnant entière satisfaction au pilote et aux concepteurs. Les deux prototypes suivants, les T58D-2 et T58D-3, furent équipés du radar Oryol-D. Après quelques modifications apportées au T58D-1 pour régler un problème de stabilité directionnelle, les essais reprirent en 1963, accompagnés du premier vol du second prototype le 4 mai. Il présentait un radar plus long que celui de son prédécesseur. Le 2 octobre 1963, ce fut au tour du troisième prototype de prendre son envol. Il disposait d'une capacité en carburant accrue et était équipé du nouveau pilote automatique AP-46. Les essais officiels de validation prirent fin le 25 juin 1964, après un total de 250 vols répartis entre les trois prototypes.

Le T58D-1 en cours de construction à l'usine MMZ n°51. Deux vues du troisième prototype du Su-15, le T58D-3, dans sa configuration d'origine.

Soukhoï Su-15 (Flagon-A)

Le 30 avril 1965, le conseil des ministres de l'URSS ajouta officiellement le Soukhoï Su-15 (dénomination des avions de série) à l'inventaire des matériels utilisés par la PVO (force de défense anti-aérienne). C'est à l'usine d'aviation n°153 de Novossibirsk que débuta la production en série au début de l'année 1965. Le premier exemplaire de présérie, portant le numéro 34 rouge, sortit des chaînes d'assemblage le 21 février 1966 et effectua son premier vol le 6 mars. À la fin de l'année, 17 appareils avaient été produits.

Les appareils de série étaient propulsés par deux réacteurs R11F2S-300 et furent progressivement équipés du système de pilotage automatique SAU-58 à partir de 1968. Le siège éjectable KS-4 assurait la sécurité du pilote en le propulsant hors de l'habitacle à la vitesse de 140 km/h. Le radar Oryol-D58 qui équipa les premiers appareils de série fut officiellement désigné RP-15. Une version améliorée de cet appareil, le RP-15M (ou Oryol-D58M), remplaça le RP-15 à partir de 1967. L'armement initial étant composé de deux missiles air-air R-8 (ou K-8), auxquels vinrent s'ajouter par la suite deux missiles air-air R-60 à courte portée. La première version de série de l'appareil fut baptisée Flagon-A par l'OTAN et produite jusqu'en 1971.

Le premier Su-15 de présérie sorti des chaînes de Novossibirsk, portant le numéro "34 rouge".

Soukhoï Su-15 (Flagon-D)

En 1968, le premier appareil de présérie fut remotorisé avec deux R11F2SU-300. Dans le même temps, on testa sur cet appareil une nouvelle aile en double delta, au lieu de la configuration en delta des appareils jusqu'alors produits, permettant d'améliorer la stabilité, au prix d'une légère diminution de la vitesse et du plafond, qui restèrent cependant au-dessus des exigences des militaires. Ces modifications furent introduites sur les appareils de production en 1969, mais si la dénomination OTAN changea pour Flagon-D, les Soviétiques continuèrent de l'appeler Su-15.

Soukhoï Su-15T (Flagon-E)

À partir de l'été 1966, le développement d'une nouvelle version du Su-15 fut lancé : destinée à être équipé du radar Taïfoune, dérivé du Smertch, elle fut baptisée Su-15T. Le nouvel appareil devait être propulsé par deux réacteurs Toumansky R13-300 et aurait la possibilité d'emporter des armes air-sol. Le prototype du Su-15T fut obtenu à partir d'un Su-15 de début de production, en conservant sa motorisation mais en transformant son aile en double delta. Son premier vol eut lieu le 27 ou le 31 janvier 1969, et les essais officiels débutèrent en mars.

Le premier Su-15T Flagon-E de série pris son envol le 20 décembre 1970, mais l'intérêt des militaires pour cette version de transition s'amoindrit avec l'avancée des essais sur le prototype du Su-15TM, et le carnet de commande fut réduit à 20 Su-15T. Les appareils de série conservèrent les moteurs R11F2SU-300.

Soukhoï Su-15TM (Flagon-F)

Le second prototype du Su-15T fut livré en décembre 1969 : il s'agissait en fait du prototype du Su-15TM, cette fois-ci équipé des nouveau moteurs R13-300 et du radar Taïfoune-M, qui effectua son premier vol le 7 avril 1970.

Les essais de validation du prototype du Su-15TM débutèrent en septembre 1970. Ce n'est qu'en avril 1973 que les essais sur les 5 premiers Su-15TM (deux prototypes et trois appareils de présérie) prirent fin. Le nouvel appareil, armé de missiles R-98M, offrait un potentiel de combat bien supérieur au Su-15 d'origine, sans souffrir d'aucun défaut majeur. Le radar Taïfoune-M apportait une nette amélioration par rapport à l'Oryol-D58, avec une capacité de détection à haute altitude passant de 35 à 65 km. Suite à des problèmes de réflexions parasytes dans le radôme, la forme de ce dernier a été revue, passant d'un cône à une ogive, ce qui eut pour conséquence de supprimer ces réflexions internes mais aussi de dégrader l'aérodynamique de l'avion.

La production du Su-15TM Flagon-F, que les Occidentaux baptisèrent dans un premier temps Su-21, commença en octobre 1971 (bien avant la fin des essais puisque trois appareils de présérie y prirent part) à Novossibirsk, pour se conclure à la fin de l'année 1975.

Le second prototype du Su-15T, ou premier prototype du Su-15TM "37 rouge" exposé à l'école technique de la PVO à Solntsevo. Su15-TM "05 bleu" de fin de production avec 4 pylônes d'emport sous les ailes et deux réservoirs supplémentaires sous le fuselage.
Su-15TM "23 rouge" arborant un camouflage trois tons. Su-15TM conservé au Musée Central des Forces Armées de Moscou.
(crédits photo : Aymeric Lopez)

Soukhoï Su-15UT d'entraînement (Flagon-C)

Deux versions d'entraînement biplaces virent également le jour sur la cellule du Su-15. La première, le Su-15UT, fut développée à partir de fin avril 1965 et les deux prototypes furent testés en 1967. La production en série du Su-15UT débuta en 1969 à Novossibirsk, le premier avion de série étant livré en octobre et effectuant son premier vol le 10 décembre. Désigné par l'OTAN Flagon-C, le Su-15UT resta en production jusqu'en 1972.

Le prototype du Su-15UT "01 rouge". Bien que photographié avec 2 missiles R-98T sous les ailes, le Su-15UT ne disposait pas des équipements nécessaires pour les mettre en oeuvre. Su-15UT "95 bleu" lors d'une visite en Pologne.

Soukhoï Su-15UM d'entraînement (Flagon-G)

La deuxième version d'entraînement, le Su-15UM, fut développée à la fin de l'année 1974 à partir du Su-15TM. Le prototype de cet appareil sortit des chaînes de Novossibirsk au printemps 1976 et vola pour la première fois le 23 avril de la même année. Les tests officiels se conclurent positivement le 25 novembre 1976 et la production commença dans la foulée, pour s'achever en 1980. Le Su-15UM fut baptisé Flagon-G par l'OTAN.

Le prototype "01 bleu" du Su-15UM. Su-15UM "28 rouge" en fin de vie dans un dépôt.

Carrière opérationnelle

Le Soukhoï Su-15 fut officiellement présenté au public le 9 juillet 1967 sur l'aéroport de Moscou-Domodedovo. Le nouvel appareil était capable d'intercepter des cibles volant entre 500 et 3000 km/h à une altitude comprise entre 500 et 23000 mètres. La première unité de la PVO à recevoir le Su-15 fut le 148 TsBP i PLS basé à Savostleyka. Le 594 UIAP débuta sa conversion sur Su-15 début 1966, mais la livraison des premiers Su-15 de série à l'unité n'intervint qu'à partir de janvier 1967. Au printemps 1967, les premières unités opérationnelles reçurent à leur tour leurs Su-15, à commencer par le 611 IAP basé à Dorokhovo (région de Yaroslav) , suivi du 62 IAP à Belbek (Crimée) en juillet et du 54 GvIAP à Vainode (Estonie).

Le rôle du Su-15 aurait été d'intercepter les bombardiers lourds de l'USAF ou de la RAF, notamment les Boeing B-52 et les V-Bombers. Il n'était donc pas fait pour le combat contre des chasseurs, étant peu agile. L'emport de missile air-air R60 à courte portée ne changea en rien la situation.

En juin 1968, 130 Su-15 étaient en service dans 8 régiments de chasse. L'évaluation opérationnelle de l'appareil fut effectuée au sein du 611 IAP entre septembre 1967 et mai 1969, sur 10 avions. Elle mit en évidence la difficulté d'atteindre le plafond opérationnel suite à l'usure des réacteurs. Lorsque la production des Su-15TM s'acheva en 1975, 18 unités de la PVO étaient passés sur Su-15 et 11 sur Su-15TM. Au total, 1290 Su-15 furent produits, toutes versions confondues.

Su-15 de fin de production (aile en double delta) devant leurs hangars. Beau cliché d'un Su-15TM en vol en fin d'après-midi.
Su-15TM portant le numéro "11 bleu". Alignement de Su-15TM.

Le Su-15 fut l'avion de la PVO détenant le record du nombre d'interceptions réussies sur le nombre d'interception tentées contre des appareils violant l'espace aérien soviétique. La première interception eut lieu le 11 septembre 1970, lorsqu'un Su-15 du 62 IAP intercepta un C-47 grec dont le pilote demanda l'asile politique à l'URSS... Le 1er septembre 1983, deux Su-15TM se rendirent tristement célèbre en abattant un Boeing 747 de la Korean Air Lines qui avait violé l'espace aérien soviétique au-dessus de la péninsule du Kamtchatka. Le 747, touché par deux missiles R-98, s'abima en mer du Japon, entraînant la mort de 269 personnes. Les Su-15 eurent également comme mission la destruction des ballons de reconnaissance envoyées vers l'URSS depuis l'Europe.

Au moment du démantèlement de l'URSS, la Russie retira du service tous les Su-15 encore présents sur ses bases, tandis que l'Ukraine les conserva jusqu'en 1996 dans ses forces aériennes.

Le radar Oryol-D58M équipant les Su-15 à partir de 1967.
(crédits photo : Tomasz Hypki)
Le radar Taïfoune-M équipant les Su-15TM.
(crédits photo : Wiktor Druszliakow)
Poste de pilotage d'un Su-15.
(crédits photo : Tadeusz Mikutel)
Poste de pilotage d'un Su-15TM.
(crédits photo : Wiktor Druszliakow)
Fiche technique
Su-15 Flagon-A Su-15TM Su-15UM
Longueur 21,44 m 21,44 m 21,44 m
Envergure 8,616 m 9,34 m 9,34 m
Hauteur au sol 5 m 4,843 m 4,843 m
Surface alaire 34,56 m2 36,6 m2 36,6 m2
Masse à vide 10 220 kg 10 874 kg 10 635 kg
Masse maximale au décollage 17 094 kg 17 900 kg 17 900 kg
Équipage 1 1 2
Motorisation 2 turboréacteurs Toumansky R11F2S-300 de 6200 kgp chacun avec postcombustion 2 turboréacteurs Toumansky R13-300 de 6600 kgp chacun avec postcombustion 2 turboréacteurs Toumasnky R13-300 de 6600 kgp chacun avec postcombustion
Plafond opérationnel 18 500 m 18 500 m 15 500 m
Vitesse maximale 2230 km/h à 15 000 m 2230 km/h à 13 000 m 1875 km/h à 11 500 m
Distance franchissable 1550 km avec réservoirs supplémentaires 1700 km avec réservoirs supplémentaires 1150 km avec réservoirs supplémentaires
Course au décollage 1100 m 1000-1100 m -
Course à l'atterrissage 1000 m avec parachute 850-950 m avec parachute -
Armement 2 pods canons doubles de 23 mm UPK-23-250 (2x250 coups) ; 2 missiles R-98R/T ou 2 missiles R-8MR/MT 2 pods canons doubles de 23 mm UPK-23-250 (2x250 coups) ; 2 missiles R-98MR/MT ou 2 missiles R-8MR/MT, 2 missiles R-60 2 missiles R-98MT et 2 missiles R-60
Profil de Su-15 Flagon A de début de production. Profil de Su-15 Flagon-D de fin de production (après 1969). Plan 3 vues de Su-15T Flagon-E.
Plan 4 vues de Su-15TM Flagon-F. Su-15TM "21 jaune". Su-15TM arborant un camouflage 3 tons.
(profil de Gérard Paloque)
Sources :
  • Sukhoi Interceptors, The Su-9/-11/-15 and other types, Yefim Gordon, Midland Publishing, 2004
  • Su-15, Jefim Gordon, Przeglad Konstrukcji Lotniczych, 1997
  • Replic n°216, août 2009
Pour reproduire cet appareil :
Fabricant Échelle Référence et désignation Galerie
Trumpeter 1/72 01624 Su-15 Flagon-A Maquette d'Aymeric Lopez
Trumpeter 1/72 01623 Su-15 TM Flagon-F -
Trumpeter 1/72 01625 Su-15 UM Flagon-G -
Amodel 1/72 7263 Su-15TM -
Amodel 1/72 Su-15UM -
PM Models 1/72 Sukhoi Su21F Flagon -
PM Models 1/72 Sukhoi Su-21G Flagon -
Trumpeter 1/48 02810 Sukhoi Su-15 Flagon-A -
Trumpeter 1/48 02811 Sukhoi Su-15 TM Flagon-F -
Trumpeter 1/48 02812 Sukhoi Su-15 UM Flagon-G -
Page mise à jour le 21/04/2012