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Soukhoï Su-24

Su-24M en vol en décembre 2010 dans la région de Voronej.

Le besoin d'un nouvel avion d'attaque au sol

À la fin des années 1960, l'Union Soviétique est consciente du retard technologique que son aéronautique a pris par rapport aux États-Unis, notamment dans le domaine des avions d'attaque et de frappe conventionnelle en profondeur. Alors que l'US Air Force aligne le très impressionnant General Dynamics F-111 et que tout porte à croire que le Pentagone se prépare à mettre en ligne d'autres appareils d'attaques tout aussi moderne, l'URSS se repose toujours sur sa flotte d'Iliouchine Il-28 datant des années 1950 et sur quelques bombardiers moyen Tupolev Tu-16 modifiés. Elle décide donc de se lancer dans une recherche importante concernant un appareil de ce type. Plusieurs avionneurs proposent alors comme solution d'adapter des appareils déjà existants, comme ce qui sera fait plus tard avec le MiG-27, sauf Soukhoï qui propose une solution beaucoup plus radicale : un nouvel avion totalement innovant. Cette solution donnera naissance à l'un des pires cauchemars de l'OTAN, le Soukhoï Su-24.

En fait, Soukhoï travaillait vraisemblablement sur ce nouvel avion depuis 1967, et c'est donc assez naturellement que le prototype fut prêt pour son premier vol qui eut lieu le 17 janvier 1970, soit seulement quelques mois après le feu vert de Moscou pour son étude et sa réalisation. Baptisé T6-2I, ce prototype dérivait du T6-1 de 1967, un VTOL à voilure fixe, auquel le constructeur avait implanté une voilure à géométrie variable et remplacé les moteurs de sustentation par des réservoirs. Les essais sur le prototype s'échelonnèrent de 1970 à 1974, avec un total de 300 vols pour le T6-2I. Un second prototype, le T6-3I, rejoignit le programme d'essai à la fin de l'année 1970. Le troisième prototype, le T6-4I, effectua son premier vol le 16 juin 1971, mais s'écrasa le 28 août 1973 suite à la défaillance d'un de ses moteurs. Le T6-6I rejoignit lui aussi le programme d'essai, ainsi que 13 appareils de série. Le nouvel avion d'attaque entra officiellement dans l'inventaire des forces armées soviétique en tant que Soukhoï Su-24 le 4 février 1975.

Le premier prototype, le T6-2I, sur le terrain de Joukovski.
(crédits photo : AVPK Soukhoï)
Le deuxième prototype T6-3I lors d'essai sur un terrain enneigé.
(crédits photo : AVPK Soukhoï)
Le T6-4I lors de ses essais.
(crédits photo : AVPK Soukhoï)

Soukhoï Su-24 sans suffixe (Fencer-A, -B, -C)

La production de la première variante de l'appareil, le Su-24 sans suffixe, débuta de façon limitée en novembre 1971 à Novossibirsk, bien avant la fin des essais d'acceptation. Servant comme bombardier tactique, le Su-24 allait remplacé les Yak-28 vieillissants. Le premier Su-24 de série, le T6-7, effectua son premier vol en décembre 1971. La distribution du nouvel appareil aux unité de bombardement tactique débuta en 1973, mais la complexité de l'avionique embarquée allait nécessité un temps de familiarisation aux pilotes. La configuration en tandem facilitait néanmoins la formation des équipages et dispensait l'OKB Soukhoï de développer une version dédiée à l'entraînement. La production du Su-24 sans suffixe s'acheva en 1983, avec plus de 500 exemplaires construits dans 27 séries.

Su-24 de début de production.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Su-24 Fencer-B "28 blanc" sur le terrain de Gvardeïskoye.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Alignement de Su-24 Fencer-C de fin de production à Gvardeïskoye.

Devant la formidable avancée technologique que représentait le nouvel avion, les forces soviétiques décidèrent de le construire dans le plus grand secret, et surtout de ne pas le révéler au monde lors du traditionnel défilé du 1er mai. Le Soukhoï Su-24 tranchait radicalement avec les précédentes réalisations du constructeur. Il s'agissait d'un monoplan à géométrie variable, biplace côte à côte, disposant d'un train d'atterrissage tricycle totalement escamotable. Le nez de l'avion abritait un radar Orione-A de navigation et de conduite de tir ainsi qu'un système de suivi de terrain et d'évitement d'obstacle Relief, l'ensemble formant le système PNS-24 Puma. En outre, l'avionique très poussée de l'avion privilégiait les communications et les protections anti-missiles de l'appareil. Le Su-24 était, en outre, doté d'un détecteur d'alerte radar de dernière génération, et disposait d'une panoplie d'armement très vaste. Avion d'attaque, et non bombardier léger, le Su-24 devait être capable de se défendre contre d'éventuels chasseurs, c'est pourquoi Soukhoï le dota d'un puissant canon mitrailleur sextuple GCh-6-23 de 23 mm et de la possibilité d'emporter des missiles air-air d'autodéfense R-55M. L'armement air-sol comprenait au départ quatre missiles Kh-23, complété ensuite par des missiles Kh-58, Kh-29D, Kh-28 et Kh-25MR. Le Su-24 pouvait aussi emporter des roquettes et des bombes.

Le cockpit était lui aussi totalement repensé, le pilote et son navigateur travaillant désormais en totale osmose côte à côte, sur des sièges éjectables K-36DM indépendant l'un de l'autre, et disposant d'une liaison de communication interne. Le cockpit avait été réalisé en tenant compte des éventuelles perturbations que pourrait ressentir l'équipage lors des vols à basse altitude. Le train d'atterrissage, lui, était classiquement renforcé, comme sur la plupart des avions soviétiques, de manière à pouvoir opérer sur un sol gelé. Les premiers Su-24 étaient propulsés par deux turboréacteurs Lioulka AL-21F, qui furent remplacés dès 1972 par des AL-21F-3 plus puissants.

Gros plan sur le nez d'un Su-24 contenant le radar Orione-A et le système Relief.
(crédits photo : Alfred Matousevitch)
Cette photo met en évidence les différences entre les dérives du Fencer-A (en arrière-plan) et du Fencer-C.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Le cockpit du Su-24.
(crédits photo : Yefim Gordon)

Malgré les tentatives soviétiques de garder l'avion secret le plus longtemps possible, il fut découvert par l'OTAN en 1971, soit tout de même plus d'un an après son vol inaugural, et jeta le désarroi dans les rangs occidentaux. Certains y voyaient un bombardier moyen, d'autre un torpilleur, d'autre encore un chasseur de supériorité, et ce fut cette dernière hypothèse qui retint l'attention. C'est pourquoi le Su-24 fut codé Fencer (escrimeur) par l'OTAN, Le F étant la lettre des chasseurs. Selon les séries, le Su-24 pouvait recevoir l'appellation Fencer-A, -B ou -C. Sous bien des aspects, le Su-24 rappelait alors son homologue américain, le F-111. Néanmoins il semblait plus perfectionné, notamment au niveau de l'avionique.

Soukhoï Su-24M (Fencer-D)

En 1979, l'armée de l'air soviétique décida que le nombre de modifications apportées au Su-24 justifiait un changement de désignation : les nouveaux bombardiers tactiques allaient être baptisés Su-24M.

Les travaux sur le Su-24M commencèrent en 1975 et prirent en compte les leçons tirées des deux ans d'utilisation du Su-24 dans les unités des VVS. En 1976, le Su-24 T6-22 fut rebaptisé T6M-22 et doté d'un système de visée laser Kaïra-24 pour remplacer le viseur électro-optique Tchaïka-1 utilisé sur la première version de l'appareil. Mais c'est le T6-8, rebaptisé T6-8M, qui est considéré comme le premier prototype du Su-24M. Il effectua son premier vol en tant que T6-8M le 29 juin 1977. Les moteurs restèrent inchangés, bien que des R29T-300 aient été testés sur le T6-8M, et les efforts se concentrèrent sur l'automatisation des systèmes de navigation et d'attaque. Le système de contrôle de navigation et d'armement PNS-24M Tigr-NS fut notamment introduit. Pour son auto-défense, le Su-24M pouvait emporter des missiles air-air R-60 et R-60M. Mais l'évolution la plus importante apportée sur le Su-24M était l'ajout d'une perche de ravitaillement en vol FPCh-5M rétractable dans le nez, devant le cockpit. Mais le Su-24M pouvait aussi emporté le pod UPAZ-A qui faisait de lui un ravitailleur potentiel.

Le T6-8M durant ses essais.
(crédits photo : AVPK Soukhoï)
Su-24M "07 blanc" de début de production.
(crédits photo : AVPK Soukhoï)
On distingue la perche de ravitaillement rétractée devant la canopée de ce Su-24M.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Alignement de Su-24M sur le terrain de Lipetsk.
(crédits photo : Yefim Gordon)

Les essais d'acceptation du Su-24M débutèrent en décembre 1976 avec le T6M-22, rejoint ensuite par le T6-8M puis par deux autres prototypes obtenus à partir de Su-24 modifiés, les T6M-20 et T6M-21, puis par quelques uns des premiers appareils de série. La phase B des essais d'acceptation s'acheva en mai 1981, mais le premier Su-24M de série, le T6M-29, effectua son premier vol dès le 20 juin 1979. De 1979 à 1983, Su-24 et Su-24M cohabitèrent sur les chaînes de montage de Novossibirsk, la production de Su-24M s'élevant à 400 exemplaires environ (480 selon certaines sources). Les premiers Su-24M de série furent livrés au centre d'entraînement des VVS de Lipetsk en juin 1981. L'appareil fut officiellement inscrit à l'inventaire des VVS le 22 juin 1983. Le nom de code OTAN du Su-24M est Fencer-D.

Soukhoï Su-24MR de reconnaissance tactique (Fencer-E)

Pour remplacer les appareils de reconnaissance tactique obsolètes tels les Yak-27R et Yak-28R, une version de reconnaissance tactique fut tirée du Su-24M, baptisée Su-24MR. En 1979, deux Su-24M furent modifiés en Su-24MR, devenant les T6MR-26 et T6MR-34, et le premier vol eut lieu en septembre 1980. Les essais d'acceptation s'achevèrent en 1982 et la production débuta l'année suivante. Baptisé Fencer-E par l'OTAN, le Su-24MR fut produit à 200 exemplaires jusqu'en 1993.

Le Su-24MR est plus court que le Su-24M de plus de 2 m, et n'emporte ni canon ni système de visée laser Kaïra-24. Il est en revanche équipé du système de reconnaissance BKR-1 développé par le MNIIP et capable de fonctionner par tous temps, de jour comme de nuit. Dépourvu d'armement air-sol, le Su-24MR emporte néanmoins deux missiles air-air R-60 ou R-60M sur ses pylônes externes. Deux réservoirs PTB-30000 de 3000 litres sont généralement accrochés sous les pylônes internes.

Vue frontale du prototype T6MR-26.
(crédits photo : AVPK Soukhoï)
Su-24MR "15 blanc" de série.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Su-24MR "12 blanc" au décollage.
(crédits photo : Vyatcheslav Martynyouk)

Soukhoï Su-24MP de guerre électronique (Fencer-F)

Dans les années 1970, l'armée de l'air soviétique cherchait un remplaçant au Yak-28PP pour mettre au goût du jour ses capacités de contre-mesure électroniques. Dès 1970, l'OKB Soukhoï commença à étudier une version de guerre électronique dérivée du prototype T6-I2, baptisée T-6P. Mais la longue gestation du Su-24 reporta le projet à 1976, lorsqu'il fut décidé d'utiliser le Su-24M comme base pour la nouvelle version. En 1979, les deux prototypes du T6MP étaient prêts, il s'agissait des T6MP-25 et T6MP-35, des Su-24M modifiés. Le T6MP-25 effectua son premier vol en avril 1980 et les essais d'acceptation se déroulèrent entre 1980 et 1982. Une vingtaine d'exemplaires seulement fut produite à partir de 1983.

Pour ses missions de guerre électronique, le Su-24MP est équipé du système Landich et peut emporter des brouilleurs actifs Los, SPS-5 Fasol ou Mimoza en pods sous le fuselage. Comme armement, en plus du canon sextuple de 23 mm qui a été conservé sur cette version, le Su-24MP peut emporté jusqu'à 4 missiles R-60 ou R-60M. Le nom de code OTAN du SU-24MP est Fencer-F. Il est facilement identifiable grâce à son antenne ECM sous le nez.

Le prototype T6MP-25.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Su-24MP "17 blanc" de série.
(crédits photo : Yefim Gordon)
L'antenne ECM sous le nez est une caractéritique du Su-24MP.
(crédits photo : Yefim Gordon)

Soukhoï Su-24M2

Pour prolonger la durée de vie des Su-24M, un programme de modernisation a été lancé par l'entreprise Gefest & T en 1996. Les modifications principales concernent l'avionique, et notamment le système de navigation. Les appareils modernisés sont désignés Su-24M2. Les VVS comptent sur ce modèle de transition pour maintenir leurs capacités de bombardement classique jusqu'à ce qu'un nombre suffisant de Su-34 soit suffisant (vers 2012). Les trois premiers Su-24M à être modifiés à l'usine KAPO de Novossibirsk en 1998 appartenaient au 4 TsBP i PLS de Lipetsk en 1998. Quatre Su-24M2 ont depuis été livrés au 302 BAP à Pereïaslavka.

La carrière des Su-24

En juillet 1976, la première unité opérationnelle à passer sur Su-24, le 4 GvBAP basé à Tchernyakhovsk, près de Kaliningrad, disposait déjà de plus de 50 Su-24, et les cadences de production allaient crescendo. À partir de 1982, l'URSS commença à baser des Fencer hors de ses frontières, en Allemagne de l'Est. À cette époque, l'aviation soviétique disposait déjà de plus de 400 Su-24 dont une centaine étaient basée à moins de 200 km des côtes japonaises, en Extrême-Orient russe.

En avril 1984, les 26 Su-24M du 143 BAP et les Su-24 du 149 GvBAP furent envoyés en Afghanistan pour contrer la résistance des Moudjahidines, et ils employèrent notamment des armes à guidée laser. C'était là la première fois que l'OTAN observa ce type d'arme entre les mains de l'URSS. Lors de ces engagements, les Fencer apportèrent également la preuve de leur extraordinaire précision dans le tir de missiles air-surface, principalement des Kh-25 et surtout le Kh-29 alors considéré comme le meilleur missile air-surface au monde. Durant leur missions sur le sol afghan, les Su-24 n'essuyèrent aucune perte. Pendant ce temps, l'URSS continuait à pré-positionner ses Su-24 sur l'ensemble des pays du Pacte de Varsovie, en Hongrie, en Pologne, et même en Bulgarie.

En 2008, plusieurs ex-républiques soviétiques disposaient encore de Su-24, dont la Russie, qui en alignait 415, dont 321 au sein des VVS. La Russie a utilisé ses Su-24M pour des bombardements conventionnels et pour des attaques de précision lors des deux guerres de Tchétchénie, en 1994-1996 et 1999-2000.

Su-24M "92 bleu" du 239 TsPAT à Koubinka.
(crédits photo : Yefim Gordon)
Su-24M "10 blanc" lors d'un ravitiallement en vol.
(crédits photo : Sergueï Skrynnikov)
Su-24M2 "44 rouge" en mars 2009.
(crédits photo : Vala sur Airliners.net)
Su-24M2 "40 rouge" du 4 TsBP i PLS au décollage de Lipetsk le 4 août 2009.
(crédits photo : Frank Grealish sur Airliners.net)
Soukhoï Su-24M "48 rouge" à Lipetsk en août 2009.
(crédits photo : Max Bryansky sur Airliners.net)
Su-24MR "11 blanc" du 47 GvORAP avec un pod Chpil sous le fuselage.
Fiche technique
Su-24 Su-24M Su-24MR
Longueur 22,67 m 22,59 m 20,53 m
Envergure (ailes déployées) 17,64 m 17,64 m 17,64 m
Hauteur au sol 5,92 m 5,92 m 5,92 m
Surface alaire (ailes déployées) 55,16 m2 55,16 m2 55,16 m2
Masse à vide 21 150 kg 22 300 kg 22 100 kg
Masse maximale au décollage 39 700 kg 39 700 kg 39 700 kg
Équipage 2 2 2
Motorisation 2 turboréacteurs Lioulka AL-21F-3 de 11 200 kgp chacun avec postcombustion 2 turboréacteurs Lioulka AL-21F-3 de 11 200 kgp chacun avec postcombustion 2 turboréacteurs Lioulka AL-21F-3 de 11 200 kgp chacun avec postcombustion
Plafond opérationnel 17 000 m 17 000 m 17 000 m
Vitesse maximale 1700 km/h 1700 km/h 1430 km/h
Distance franchissable 3055 km avec réservoirs supplémentaires 2850 km avec réservoirs supplémentaires 2500 km avec réservoirs supplémentaires
Course au décollage 900 m 1250 m 1200 m
Course à l'atterrissage 800 m avec parachute 950 m avec parachute 1000 m avec parachute
Armement 1 canon sextuple GCh-6-23 de 23 mm (500 coups) ;
jusqu'à 7000 kg de charges externes
1 canon sextuple GCh-6-23M de 23 mm (500 coups) ;
jusqu'à 8000 kg de charges externes
2 missiles air-air R-60 ou R60M
Profil de Su-24, séries 12 à 14. Plan 4 vues de Su-24M. Plan 3 vues de Su-24MR.
Profil de Su-24MP. Su-24 "42 blanc" du 149 GvBAP en 1988. Su-24M arborant un camouflage atypique au début des années 1990.
Sources :
  • Sukhoi Su-24 Fencer, Soviet Swing-Wing Bomber, Yefim Gordon & Keith Dexter, Aerofax, 2005
  • Russian Air Power, Yefim Gordon, Midland Publishing, 2009
  • Russia's Military Aircraft in the 21st Century, Yefim Gordon, Midland Publishing, 2006
Pour reproduire cet appareil :
Fabricant Échelle Référence et désignation
Italeri 1/72 019 Fencer-C Sukhoi Su-24
Streem 1/72 Su-24M
Zvezda 1/72 7267 Front Bomber Su-24M
Zvezda 1/72 7265 Su-24 Soviet front bomber
Revell 1/72 04399 Sukhoi Su-24M "Fencer"
Trumpeter 1/48 02835 Su-24M Fencer-D
Page mise à jour le 21/04/2012