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Tupolev Tu-16

Tupolev Tu-16 lors d'un vol d'entraînement.

Bien que le Tupolev Tu-16 ne se démarque que peu de certains de ces prédécesseurs tels que le Tu-4, une modernisation de la voilure, désormais en flèche, du train d'atterrissage, tricycle rétractable, et sa motorisation par turboréacteurs firent de cet appareil, né au début des années 1950, un des standards de l'aviation à long rayon d'action soviétique.

Le développement du Tu-16

C'est en 1949 que l'OKB-156 commença à travailler sur un projet baptisé en interne Avion 88, qui devait avoir une vitesse maximale de 950-1000 km/h, un plafond de 12 000-13 000 m, une charge offensive de 6 à 12 tonnes de bombes et une distance franchissable de 7500 km. Le but était de proposer aux forces aériennes soviétiques un bombardier capable de suplanter le dernier né des bureaux Iliouchine, le Il-46.

Pour la propulsion de l'Avion 88, Tupolev étudia tout d'abord les turboréacteurs Lyoulka AL-5 et AL-3 de 4500 kgp. Le 10 juin 1950, le Conseil des Ministres de l'URSS émis une directive autorisant Tupolev à construire l'"Avion 88" propulsé par deux moteurs AL-5, avec toutefois la possibilité d'installer deux Mikouline AM-03 à leur place. Le moteur AM-03 (désigné ensuite AM-3), développé par Alexandre Mikouline et pouvant pousser 8750 kg, était en 1951 le plus puissant du monde ! C'est donc fort logiquement qu'il fut retenu pour la propulsion du nouveal appareil en juillet 1951.

La construction du premier prototype, désigné "88/1", commença en avril 1951. En parallèle fut construit un exemplaire statique pour mener les essais de résistance de la structure. Le "88/1" effectua son premier vol à Joukovski le 27 avril 1952 avec Nikolaï S. Rybko aux commandes. Durant les essais constructeur, qui prirent fin le 29 octobre 1952, le "88/1" atteignit la vitesse de pointe de 1020 km/h et franchit la distance de 6050 km. Les essais de réception d'État débutèrent le 15 novembre 1952 pour s'achever le 30 mars 1953, mais les résultats obtenus furent jugés insuffisants. Il fut décidé de poursuivre les essais avec le second prototype, le "88/2", dont la masse à vide avait été considérablement réduite, passant de 41 050 kg à 36 490 kg. Le "88/2" effectua son premier vol le 6 avril 1953 et commença ses essais de réception le 26 septembre. Après la fin des essais en avril 1954, le Conseil des Ministres de l'URSS approuva l'entrée en service de l'Avion 88 sous la désignation de Tupolev Tu-16 le 18 mai 1954.

L'exemplaire statique de l'Avion 88 effectuant des essais de fatigue au TsAGI. Le "88/2", deuxième prototype du Tu-16, à Joukovski.

La production

La production du Tu-16 débuta en 1953 à l'usine n°22 de Kazan. Les usines n°1 de Kouïbychev (l'actuelle Samara) et n°64 de Voronej assurèrent également la production des 11 versions initiales du Tu-16, qui cessa en 1961, au 1509ème exemplaires. Ces mêmes usines effectuèrent ensuite des travaux de transformation et de modification des Tu-16 en service.

Le Tupolev Tu-16, désigné Badger par l'OTAN, avait un rayon d'action suffisant pour patrouiller dans les eaux norvégiennes, mais il ne pouvait couvrir l'Atlantique Nord. Utilisé par l'aviation à long rayon d'action et l'aviation navale soviétiques, le Tu-16 fut également exporté en Irak, Égypte et Indonésie et produit sous licence en Chine sous la désignation de Xian H-6.

Tu-16 sans suffixe (Badger-A)

Le Tu-16 sans suffixe, désigné Badger-A par l'OTAN, était un bombardier conventionnel basé sur le prototype "88/2". Le premier Tu-16 sortit des chaînes d'assemblage de l'usine n°22 le 29 octobre 1953. Les premiers exemplaires furent livrés aux unités de la DA et de l'AVMF au début de l'année 1954. Le Tu-16 sans suffixe fut produit à 294 exemplaires dans les usines n°22 de Kazan et n°1 de Kouïbychev jusqu'en 1958.

À partir de 1957, 90 Tu-16 sans suffixe reçurent une perche de ravitaillement en vol, ce qui leur valut la désignation de Tu-16 (ZA).

Tu-16 sans suffixe "65 rouge".
(crédits photo : Yefim Gordon)
Tu-16 sans suffixe "70 rouge".
(crédits photo : Yefim Gordon)

Tu-16A, vecteur de l'arme atomique (Badger-A)

Pour permettre au nouveau bombardier l'emport de l'arme nucléaire fut développé le Tu-16A, construit à 453 exemplaires par l'usine n°22 de Kazan entre 1954 et 1958. Sur ce total, 59 étaient équipés d'une perche de ravitaillement en vol et désignés Tu-16A (ZA). Le code OTAN du Tu-16A restait inchangé par rapport à celui du Tu-16 sans suffixe.

Vue de profil du Tu-16A "03 rouge".
(crédits photo : Yefim Gordon)
Tu-16A "35 rouge" sur une base du grand nord peu avant une mission nocturne.

Tu-16Z et Tu-16N de ravitaillement en vol

Pour accroître le rayon d'action des Tu-16, 114 d'entre eux furent reconvertis en avions ravitailleurs Tu-16Z. Le premier prototype du Tu-16Z débuta un programme d'évaluation de 18 mois en 1955. Mis en service en 1958, le Tu-16Z procédait au ravitaillement d'aile à aile qui demandait une grande dextérité aux pilotes.

Pour simplifier l'opération de ravitaillement en vol, une nouvelle version de ravitaillement en vol fut développée au début des années 1960 et désignée Tu-16N. Le Tu-16N adoptait la méthode de ravitaillement hose-and-drogue, plus simple à mettre en œuvre. Entre 1968 et 1970, 23 Tu-16 furent convertis en Tu-16N. Plusieurs Tu-16Z furent également convertis en Tu-16NN, qui étaient si proches des Tu-16N que l'armée les désigna de la même manière.

Tu-16Z "30 noir" immatriculé 1882801. Le système de ravitaillement installé à l'extrémité de l'aile droite des Tu-16Z.

Tu-16KS (Badger-B)

Le Tu-16KS, désigné Badger-B par l'OTAN, fit son apparition en 1954. Cette version pouvait emporter deux missiles air-surface KS-1 Kometa. Un total de 107 exemplaires fut produit entre 1954 et 1958 à l'usine n°22 de Kazan. Le Tu-16KS pouvait détecter ses cibles dans un rayon de 150-180 km grâce à son radar Kobalt-P, et lançait ses KS-1 à une distance de 70-90 km de la cible.

Tu-16KS "06 rouge" en vol avec un seul missile KS-1.

Tu-16KSR-2 ou Tu-16K-16 (Badger-G)

Le Tu-16KSR-2, ou Tu-16K-16 (Badger-G pour l'OTAN)), pouvait quant à lui emporter le missile air-surface KSR-2, version améliorée du KS-1. Le radar Roubine-1K du Tu-16K-16 lui permettait de détecter ses cibles à une distance maximale de 350 km. À partir de 1962, 205 Tu-16A et Tu-16KS furent convertis en Tu-16K-16. Certains Tu-16A furent aussi transformés en Tu-16K-11-16, capable d'emporter des missiles air-surface KSR-2 ou KSR-11.

Tu-16K-16 armé d'un missile KSR-2.

Tu-16K-26

Les Tu-16K-26 pouvaient emporter des missiles KSR-2, KSR-11 et KSR-5. Certains d'entre eux furent ensuite convertis en Tu-16K-26P, qui pouvaient ajouter à cet arsenal le missile air-surface KSR-5P. Au total, 15 Tu-16K-11-16 furent convertis en Tu-16K-26.

À partir de 1973, quelques Tu-16KSR-2-5-11 furent équipés d'un radar Roubine-1M sous le fuselage, au niveau de l'emplanture des ailes, et eux aussi désignés Tu-16K-26. Pour compenser la perte de 3150 litres de carburant occupant le volume nécessaire pour implanter le radar, la portée du missile KSR-5 fut portée à 450 km.

Tu-16K-26 équipé du radôme du radar Roubine-1M sous le fuselage.

Tu-16K-10 (Badger-C)

Le Tu-16K-10 est traité sur la page consacrée aux Tu-16 de l'aviation navale.

Tu-16SPS

La première version de guerre électronique du Tu-16 fut le Tu-16SPS, embarquant des senseurs SPS-1 ou SPS-2 pour le brouillage. Entre 1955 et 1956, 42 Tu-16SPS équipés de brouilleurs SPS-1 furent produits à l'usine n°1 de Kouïbychev, et, de 1956 à 1957, 102 exemplaires équipés de brouilleurs SPS-2 sortirent de la même usine.

Tu-16SPS en vol.

Tu-16P (Badger-J)

Les Tu-16P (désignés Badger-J par l'OTAN) étaient eux aussi des avions de guerre électronique. Pour dérouter les missiles ennemis, ils étaient équipés du système de brouillage Bouket conçu pour rendre aveugle les radars et réduire l'efficacité des missiles guidés. Le système de brouillage Bouket comprenait les senseurs SPS-22, SPS-33, SPS-44 et SPS-55 opérant chacun dans une plage de fréquante différente.

Le premier système Bouket fut installé sur un Tu-16 en 1962. Au total, 144 Tu-16P furent produits par l'usine n°1 de Kouïbychev dans les années 1960. L'équipement de guerre électronique fut renforcé sur les Tu-16P dans les années 1970 et 1980 avec l'ajout de senseurs de la série Sirene (SPS151, SPS-152 ou SPS-153) dans un cône de queue, désigné UKhO et remplacant la tourelle DK-7.

Dans la seconde moitié des années 1960, le Tu-16P n°5202907 fut équipé d'un brouilleur actif SPS-100 Rezeda-AK installé dans un cône de queue. Malgré les bons résultats rencontrés lors des tests, les Tu-16P opérationnels ne furent pas équipés du SPS-100.

Vue de l'intrados d'un Tu-16P. Le cône de queue du brouilleur actif SPS-100 Rezeda-AK installé à titre expérimental sur un Tu-16P. Le Tu-16P n°5202907 équipé du brouilleur Rezeda-AK.

Tu-16 Yolka

Le Tu-16 Yolka était une version de guerre électronique équipée de brouilleurs passifs SPS-4 Modoulyatsiya. Le Tu-16 Yolka fut produit à 52 exemplaires en 1957 à Kouïbychev et Voronej, tandis que 19 Tu-16 furent convertis en Tu-16 Yolka.

Tu-16 Yolka "32 bleu" en ravitaillement avant une sortie. Tu-16 Yolka "53 rouge" en vol au-dessus de la campagne russe.

Tu-16R (Badger-E/F)

Le Tu-16R était une version de reconnaissance dont le prototype, le Tu-16R-1, débuta ses essais en novembre 1955. L'usine n°1 de Kouïbychev en construisit 70 exemplaires en 1957-1958, dont 18 équipés de senseurs SRS-1 et SRS-6, 18 autres de senseurs SRS-1 et SRS-3 (en pods sous les ailes), et 34 uniquement de senseurs SRS-1. Les senseurs SRS-1, SRS-3 et SRS-6 étaient destinés à capter les transmissions radio et radar ennemies. La désignation OTAN des Tu-16R équipés de senseurs SRS-3 sous les ailes était Badger-F, tandis que les Tu-16R sans pods sous la voilure étaient désignés Badger-E.

Lors de périodes d'entretien, certains Tu-16R reçurent le senseur SRS-4 Kvadraht à la place du SRS-1.

Tu-16R(ZA) "87 rouge" photographié par un chasseur de l'OTAN. Tu-16R à l'atterrissage avec des senseurs SRS-3 sous les ailes.
Tu-16R "05 bleu" avec des senseurs SRS-3 sous les ailes. Tu-16R "04 rouge" équipé d'un brouilleur SPS-100M dans le cône de queue.

Tu-16RM

Le Tu-16RM de reconnaissance maritime est traité sur la page consacrée aux Tu-16 de l'aviation navale.

Carrière opérationnelle

Les premières unités de l'aviation à long rayon d'action à être équipes du Tu-16 puis du Tu-16A au début de l'année 1954 furent le 402 TBAP basé à Balbasovo et le 203 TBAP à Baranovitchi, tous deux encadrés dans la 45 TBAD. Les unités de la 13 TBAD (185 TBAP, 202 TBAP et 226 TBAP) commencèrent leur conversion sur Tu-16 en janvier 1955 à Kazan et au 43 TsBP i PLS de Dyagilevo (près de Ryazan) avant de recevoir leurs Tu-16 en 1956-1957.

En août 1956, les équipages commencèrent à se familiariser avec la technique du ravitaillement d'aile à aile avec le Tu-16Z. En août 1969, le 226 TBAP fut transformé en unité de guerre électronique et renommé 226 OAPREB, et reçut en conséquence des Tu-16P et Tu-16 Yolka.

Lors de son entrée en service en 1954, le Tu-16 constituait le principal vecteur de la dissuasion nucléaire soviétique, remplaçant le bombardier Tu-4 dans ce rôle. Mais l'apparition des missiles intercontinentaux l'écartèrent progressivement de ce rôle. Dans l'aviation navale, le Tu-16 devait faire la chasse aux grandes unités de la flotte américaine. Mais en 1962, les équipages de la 13 TBAD, bien que n'appartenant pas à l'AVMF, commencèrent à s'entraîner à l'attaque de cibles navales.

Les unités équipées du Tu-16 en recevaient souvent différents types pour remplir plusieurs missions. Un régiment de Tu-16 était généralement constitué de trois escadrons, dotés à l'origine de Tu-16 et Tu-16A. Par la suite, on trouvait généralement des Tu-16KS et des bombardiers dans deux des trois escadrons, le dernier étant équipé de Tu-16Z. Enfin, avec le développement des version de guerre électronique, les trois escadrons avaient souvent chacun leur spécialité : combat pour le premier, ravitaillement pour le second et guerre électronique pour le troisième. Avec le déclin des Tu-16Z au début des années 1970, de nombreux appareils de ravitaillement furent reconvertis en plate-forme lance-missiles.

Alignement de Tu-16 de différentes versions.
Tu-16R ravitaillé d'aile à aile par un Tu-16Z. Alignement de Tu-16 de différentes versions.
Tu-16R Badger-F "41 rouge" survolant un navire de l'US Navy. Tu-16R "12 rouge" au GK NII VVS dans les années 1990.

Le Tu-16 prit part au conflit afghan, notamment au sein du 132 TBAP, du 251 GvTBAP et du 200 GvTBAP. L'emport standard des Tu-16 en Afghanistan était constitué de 12 bombes FAB-500 de 500 kg, mais les appareils du 251 GvTBAP utilisaient aussi des bombes FAB-9000 de 9000 kg. Les Tu-16P furent utilisés durant le conflit pour brouiller les radars pakistanais et dérouter les chasseurs de ce même pays.

L'entrée en service plutôt laborieuse du Tu-22 n'entraîna pas pour autant le retrait de tous les Tu-16 qui était toujours présent lorsque le Tu-22M entra à son tour en service : les escadrons de Tu-16P de guerre électroniques assurèrent alors la protection des Tu-22M2. En 1990-1991, de nombreux Tu-16 de début de production furent transformés en drônes cibles par l'usine n°12 de Khabarovsk. Les derniers Tu-16 des forces aériennes russes furent retirés du service actif en 1994.

Fiche technique
Tu-16A Tu-16R
Longueur 34,6 m 34,6 m
Envergure 32,989 m 32,989 m
Hauteur au sol 10,2 m 10,2 m
Surface alaire 164,65 m2 164,65 m2
Masse à vide 36 600 kg -
Masse maximale au décollage 75 800 kg 75 800 kg
Équipage 6 6
Motorisation 2 turboréacteurs Mikouline AM-3 de 8750 kgp chacun 2 turboréacteurs Mikouline RD-3M de 9500 kgp chacun
Plafond opérationnel 12 800 m 13 100 m
Vitesse maximale 992 km/h à 6250 m 930 km/h à 10 000 m
Distance franchissable 5800 km 6300 km
Course au décollage 1300 m 1800 m
Course à l'atterrissage 1100 m m
Armement 7 canons AM-23 ;
9000 kg de bombes
7 canons AM-23
Plan 3 vues de Tu-16 sans suffixe. Profil de Tu-16KSR-2 avec missile KSR-2. Profil de Tu-16K-26.
Profil de Tu-16 Yolka équipé d'un brouilleur SPS-100. Tu-16P "31 bleu" du 184 GvTBAP à Prilouki en 1984. Tu-16KSR-2-5 "71 rouge" du 251 GvTBAP à Maryy-2 en décembre 1988.
Sources :
  • Tupolev Tu-16 Badger, Versatile Soviet Long-Range Bomber, Yefim Gordon & Vladimir Rigmant, Aerofax, 2004
  • Tu-16 Badger in action, Robert Bock, Aircraft Number 108, Squadron/Signal Publications, 1990
  • Ту-16 ракетно-бомбовый ударный комплекс советских ВВС, С. В. Иванов, Война в воздухе 26, 2000
  • Soviet Strategic Aviation in the Cold War, Yefim Gordon, Hikoki Publications, 2009
Pour reproduire cet appareil :
Fabricant Échelle Référence et désignation
Trumpeter 1/72 03908 Tu-16K-10 Badger C
Trumpeter 1/72 03907 Tu-16K-26 Badger G
Trumpeter 1/72 01613 Tu-16K-10 Badger C
Trumpeter 1/72 01612 Tu-16K-26 Badger G / Chinese H-6
Hobbycraft 1/72 1346 Tu-16 "Flashpoint Badger"
Page mise à jour le 21/04/2012