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Miassichtchev VM-T Атлант

Le VM-T immatriculé RF-01502 portant la charge 3GT au salon MAKS-2005 de Joukovski.

L'histoire du Miassichtchev 3M ne se limite pas à sa carrière militaire. L'avion eut à paraître dans un rôle nouveau et inhabituel : le transport de charges de gros gabarit...

Un transporteur pour le programme spatial soviétique

Avec la création de la navette spatiale Bourane naquit le besoin d'un moyen pour transporter les éléments de la fusée de lancement et de la navette depuis les usines de fabrication vers Moscou jusqu'au centre spatial de Baïkonour. Compte-tenu des dimensions (longueur jusqu'à 40 m, diamètre de près de 8 m), les moyens ferroviaires et routiers étaient exclus. Restait le moyen par voie aérienne. Le Ministère de la Production Aéronautique se tourna vers plusieurs bureaux d'études, leur demandant d'étudier la question. Le bureau Antonov, après avoir envisagé l'utilisation de l'An-22, dut refuser, pour quantité de raisons. L'An-124, à l'étude à cette époque, avait les capacités qu'il fallait pour la mission, mais sa configuration, monodérive, empêchait un transport externe. Dans un avenir plus lointain, on envisageait bien de faire appel à l'An-225 pour le transport des éléments de la fusée Energiya de série ; mais, pour l'heure, il fallait trouver une solution le plus rapidement possible. Dans ces circonstances, la proposition de V. Miassichtchev de faire appel à un 3M modifié fut la bienvenue. Cette variante ne représentait toutefois qu'une solution intérimaire, puisque le 3M ne pouvait emporter le bloc central de la fusée Energiya que par moitiés, mais elle fut acceptée à la fin de l'année 1977. Le projet fut désigné 3-35 et l'avion 3M-T.

La mission consistait à assurer le transport des éléments suivants :

  • OGT : la navette Bourane sans dérive (45,3 t) ;
  • GT : réservoir d'hydrogène de la fusée porteuse carénée à l'avant et à l'arrière (31,5 t) ;
  • 2GT : réservoir d'oxygène de la fusée porteuse, case à équipement et moteur, partie avant de l'étage central, regroupés sous un carénage avant, démontable en segments, la partie avant de la fusée et son carénage étant orienté vers l'arrière (30 t) ;
  • 3GT : carénages avant et arrière de la charge 1GT, cadres de transport, regroupés en un seul ensemble contenant les segments démontés du carénage avant de la charge 2GT. La charge 3GT était utilisé comme un conteneur destiné à ramener de la base de lancement aux usines de fabrication les carénages de transport (15 t).

Plusieurs configurations furent étudiées. Au départ fut envisagé le transport des charges dans un conteneur qui ferait en même temps partie intégrante de la cellule (à l'exemple du Guppy américain) ; ensuite apparut la formule, plus simple, d'un conteneur universel posé sur l'avion. Les deux solutions furent abandonnées, tant pour des considérations de poids qu'à cause de l'importance des travaux requis. Fut alors étudié un 3M standard, bidérive, la grande longueur du réservoir d'hydrogène de la fusée obligeant à supprimer l'empennage verticale. La partie arrière du fuselage fut également redessinée. Plusieurs variantes d'empennages verticaux furent étudiées, mais on s'arrêta sur la plus simple à fabriquer. Ces études furent prolongées par le passage de maquettes en soufflerie.

Modèle du 3M-T dans la soufflerie T-1 de l'OKB Miassichtchev. Maquette du 3M-T équipée de la charge 2GT dans la soufflerie T-104 du TsAGI.

Les ravitailleurs 3MN-2 choisis pour être modifiés (n°9301402 et 9301502) totalisaient un minimum d'heures de vol ; un troisième (n°9301504) fut réservé aux essais statiques. Tous les travaux débutèrent en 1978 et furent effectués par l'atelier expérimental du bureau d'études. Le fuselage fut renforcé, notamment à l'endroit des points d'accrochage des charges. La soute à bombes fut condamnée. Sur la partie démontable de la voilure fut ajouté un troisième longeron, l'épaisseur de revêtement étant également augmentée. Les balancines furent remplacées par de nouvelles, renforcées, munies de roues plus grandes.

Tout l'équipement de tir et de bombardement fut démonté, de même que les lance-leurres, et l'équipement photo. L'équipage fut réduit à 6 hommes, et les moteurs remplacés par des VD-7MD avec une poussée au décollage accrue (10 750 kg). Les commandes de vol et nombre d'autres systèmes furent adaptés. Afin de conserver une masse au décollage normale, la quantité de carburant fut diminuée. Pour ménager une plage de centrage nécessaire, le réservoir de fuselage avant fut utilisé comme ballast. Les moyens de radio-navigation furent sensiblement améliorés.

Pour des raisons structurales, les réservoirs de la fusée porteuse devaient être transportés pressurisés. À cet effet, on installa sur l'avion un système de pressurisation utilisant de l'air prélevé sur les compresseurs des moteurs.

Suite à la mort de Vladimir Miassichtchev le 14 octobre 1978, le 3M-T fut redésigné VM-T. Le surnom Atlant fut ajouté par la suite, en référence au Titan Atlas de la mythologie grecque qui portait le Monde sur son dos.

Le premier VM-T (n°9301402) en cours de conversion à l'OKB Miassichtchev. En arrière-plan, l'appareil réservé aux essais statiques. Le premier VM-T immatriculé CCCP-01402 devant le hangar de Miassichtchev à Joukovski.

Des essais en vol à la carrière opérationnelle

Le premier vol du VM-T immatriculé CCCP-01402 (n°9301402) eut lieu le 29 avril 1981 avec, aux commandes, Anatoly P. Koutcherenko et N. N. Generalov. Après le contrôle de qualités de vol et de la stabilité, de même que des performances de décollage et d'atterrissage, on passa aux essais avec des chargements. Pour ces vols, une attention toute spéciale fut accordée aux problèmes de buffering de l'empennage. Il fut procédé à une série de roulage, puis de sauts de puce, à des vitesses toujours croissantes, avec, à chaque fois, mesure des niveaux de vibrations et des efforts.

Le vol avec la charge 1GT eut lieu le 6 janvier 1982 avec le même équipage, suivi, le mois suivant, par l'emport des autres charges. Les vols d'essais confirmèrent les performances annoncées, et se déroulèrent sans complications. Le seul incident fut l'endommagement, vite réparé, d'une jambe de train avant à l'atterrissage du VM-T avec le planeur 11F35 (démonstrateur atmosphérique de Bourane) sur le dos.

Le deuxième VM-T volant, immatriculé CCCP-01502, commença ses essais le 25 janvier 1982. Le 19 avril, l'appareil effectua son premier vol avec une charge 1GT factice.

Le VM-T CCCP-01402 portant la charge 3GT. La charge 2GT est placée sur le dos de ce VM-T par le portique PKU-50.01. La navette Bourane inachevée prend place sur le dos d'un VM-T.

À l'issue des essais en vol, les deux avions entamèrent le transport régulier d'éléments de Bourane des usines vers la base de lancement. Lorsque les vols se faisaient depuis la région de Moscou, il fallait une escale intermédiaire. Aux endroits où celle-ci devait avoir lieu, les pistes furent remises à neuf ; des bâtiments pouvant servir au chargement ou au déchargement furent construits, et des moyens d'assistance techniques mis en place. En quelques années, les deux VM-T effectuèrent près de 150 vols, ce qui permit de mener à bien, dans les délais, les essais au sol et... l'unique essai en vol de la navette Bourane. Cette dernière fut transportée à Baïkonour le 23 mars 1988 sur le dos d'un VM-T.

Le succès d'une mission aussi délicate doit être attribué aux excellentes qualités aérodynamiques du 3M de base. Prenant en considération les importantes possibilités du VM-T pour le transport de charges volumineuses, l'Usine Expérimentale procéda, à la demande de plusieurs organisations, à l'étude du transport d'une grande variété de charges et à divers essais en vol.

Le VM-T CCCP-01502 équipé d'une charge 1GT sur le terrain de Joukovski et lors d'une démonstration en vol.
VM-T CCCP-01502 décollant de Joukovski avec une Bourane en direction de Baïkonour. VM-T CCCP-01402 en cours de ravitaillement avec une Bourane presque achevée sur le dos.

Projets non aboutis

À partir de 1988, d'autres importants projets étudièrent l'emploi du VM-T à la mise au point de véhicules spatiaux réutilisables. En 1992, 40 ans après la naissance du 3M, ces études portèrent sur l'installation de réservoirs supplémentaires et d'une avionique moderne pour faire naviguer les VM-T sur les voies aériennes et les aéroports internationaux, puis envisagèrent de les aménager pour les essais de véhicules nouveaux automatiques ou pilotés. Ce dernier projet, désigné Demonstrator, mené conjointement avec le TsAGI et NPO Saturn, devait notamment faire du VM-T le premier étage atmosphérique d'un système réutilisable comprenant, comme second étage, emporté en altitude, sur le dos de l'avion, un accélérateur hypersonique à propergols liquides, chargé de propulser dans l'espace un troisième étage, un planeur orbital (Horus, Hermès, Hotol, Sänger, ou autre...), ou une fusée porteuse d'un satellite artificiel. Un tel système pouvait mettre sur orbite une charge commerciale de 1 300 kg.

Enfin, l'étude de 1992 prévoyait l'emploi du VM-T aux essais de largage à 9 800 m à Mach 0,72 des maquettes de capsule ALT et au transport de la navette européenne Hermès sur environ 6 500 km entre Toulouse et le Centre Spatial de Kourou, en Guyane française. L'étude de l'utilisation du VM-T dans le cadre du programme Hermès fut menée par l'Usine Expérimentale avec l'Agence Spatiale Européenne et le LII, le TsAGI, et l'entreprise NPO Molnya, à partir du 30 juillet 1992. Il fut ainsi démontré que la navette Hermès serait facile à transporter sur le dos d'un VM-T modernisé. Il fut envisagé de rétablir une partie des réservoirs qui avaient été supprimé lors de la transformation du 3M en VM-T pour lui permettre de parcourir 3 100 km sans escale avec la navette, dans son conteneur, sur le dos, sans accroître la masse maximum au décollage de 109 tonnes. Mais ces projets furent abandonnés...

En août 1993, le VM-T CCCP-01502 fut réimmatriculé RF-01502, le nom "Atlant" fut peint de part et d'autre du fuselage, et le drapeau russe sur les dérives. Il apparut à plusieurs reprises au salon aérien de Joukovski.

VM-T RF-01502 portant la charge 3GT à Joukovski en 1999.
(crédits photo : Jim Newton sur Airliners.net)
VM-T RF-01502 au salon MAKS-2005 de Joukovski.
(crédits photo : Andrei Pechenkin sur Airliners.net)
Fiche technique
Longueur 51,23 m
Envergure 53,14 m
Hauteur au sol 11,5 m
Surface alaire 351,78 m2
Masse à vide 78 700 kg
Masse maximale au décollage 184 500 kg (139 200 kg + une charge de 45 300 kg)
Équipage -
Motorisation 4 turboréacteurs Dobrynine VD-7MD de 10 750 kgp de poussée chacun
Plafond opérationnel 10 200 m
Vitesse maximale 580 km/h à 4900 m
Distance franchissable 1500 km pour une masse de 190 t
Course au décollage 1100 m
Course à l'atterrissage 1360 m
Armement aucun
Profils de VM-T à vide et avec une navette Bourane.
Sources :
  • Myasishschev M-4 and 3M, The first soviet strategic jet bomber, Yefim Gordon, Midland Publishing, 2003
Pour reproduire cet appareil :
Fabricant Échelle Référence et désignation
Amodel 1/72 72015-2 3M-T & "Buran" airframe
Amodel 1/72 72015 Myasishchev VM-T
Page mise à jour le 21/04/2012