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Yakovlev Yak-38

Yak-38 sur le pont du porte-aéronefs Minsk.

Du Yak-36 au Yak 38

Le Yak-36 a permis de résoudre quelques problèmes de base d'un VTOL et a été précieux en cela pour la firme Yakovlev, mais n'a jamais été destiné à devenir un appareil opérationnel, et ses nombreux défauts n'ont jamais été corrigés. Néanmoins, après le show aérien de juillet 1967 à Domodedovo, Yakovlev suggère au NKAP de passer une commande d'un petit nombre de Yak-36 pour étudier les conditions d'emploi opérationnel d'un VTOL, particulièrement sur porte-aéronef, et pour la formation des pilotes. En réponse, la firme reçoit une commande, le 27 décembre 1967, pour le développement d'un avion V/STOL opérationnel, ainsi que d'une version d'entraînement.

Après quelques polémiques sur l'utilité de ce type d'appareil, les VVS et l'AVMF émettent le 25 janvier 1969 les spécifications techniques détaillées pour cet appareil. Celles-ci précisaient que le futur appareil serait un jet capable de voler en haut subsonique et d'opérer à partir d'un navire de tonnage modeste. Son rôle devait être l'attaque anti-navire, le combat aérien de jour contre les hélicoptères navals et les appareils de transport, et l'attaque au sol contre des cibles côtières, avec la capacité secondaire du support d'une force d'invasion jusqu'à 50 kilomètres dans les terres.

Cette condition était un résultat de la décision du gouvernement soviétique, incité par l'amiral Gorchkov, de s'opposer à la présence globale de l'US Navy en construisant des navires polyvalents de type croiseur lourd porte-aéronefs. Ces bâtiments devaient être plus grands que les deux porte-hélicoptères Moskva et Leningrad, mais ces derniers devaient aussi embarquer quelques exemplaires du futur appareil VTOL.

Stanislav Mordovin est nommé directeur de programme, avec comme adjoints Sidorov et Pavlov. Les directeurs des essais en vol étaient Bekirbayev, Gorchkov et Chalygin. Les pilotes d'essais étaient V. Moukhin, M. Deksbakh et Y. Chevyakov de Yakovlev, ainsi que G. Kononenko du LII. Yakovlev avait commencé le travail en janvier 1968, sans attendre les spécifications détaillées pour gagner du temps.

Les premiers dessins montraient un avion supersonique fortement influencé par le Hawker P.1154 alors en étude en Grande-Bretagne mais avec deux moteurs R27-300. Des performances supersoniques auraient impliquées beaucoup de difficultés de développement, et il a été décidé de développer dans un premier temps un appareil relativement simple limité à Mach 0,95.

L'une des premières esquisses du Yak-36M, très inspirée du Hawker P.1154.

Le développement du Yak-38

La configuration du nouvel appareil reprenait en partie celle du Yak-36 mais avec un nouveau fuselage. Ce fuselage était plus classique avec le cockpit disposé entre les deux entrées d'air, ce qui réduisait la traînée. Un changement plus fondamental tenait au fait que, avec deux moteurs de croisière R27, l'avion serait surmotorisé en vol normal, et le rayon d'action trop faible à cause de la consommation en carburant de deux R27. En conséquence, Yakovlev décide d'utiliser un seul moteur de croisière, et, pour compenser le déficit de poussée pendant les vols stationnaires, d'installer des moteurs d'appoint derrière le cockpit. Naturellement, ces moteurs supplémentaires seront un poids mort en vol normal.

Le moteur principal était une version améliorée du R27 développé par Y. Gousev au sein de la firme Toumanski. Ce moteur, le R27V-300, avait une poussée de 6000 kgp pour les prototypes et de 6100 kgp pour les moteurs de production. Le R27V-300 avait un diamètre de 1,012 m, une longueur de 3,706 m et une masse de 1350 kg. Les turboréacteurs de sustentation étaient installés immédiatement derrière l'habitacle entre les prises d'air du moteur de croisière.

De tels moteurs existaient en Grande-Bretagne depuis 1954 (voir les Rolls-Royce RB.108 du Short SC-1), mais aucun n'avait été développé en URSS. Une équipe menée par A. Dynkin de l'OKB de Kolyesov conçu donc le RD36-35 spécifiquement pour le futur Yak-38. Le RD36-35 était un turboréacteur simple-flux avec un compresseur à six étages construit avec des matériaux légers (aluminium et fibre de verre) pour réduire le poids à 176 kg, et qui avait la particularité logique de fonctionner seulement à la pleine poussée (3050 kgp). Ces moteurs ont également été employés pour le même usage sur les appareils à décollage court MiG-23-01 et MiG-21 PD (deux moteurs chacun) et sur le Soukhoï T-58VD (trois moteurs).

Les RD36-35 étaient installés de sorte que la poussée résultante des deux moteurs de sustentation et du moteur principal passait par le centre de gravité de l'appareil. Pour cela ils étaient disposés en tandem avec un angle de 87° par rapport à l'horizontale et l'axe de poussée pouvait varier de 30 degrés grâce à des déflecteurs pour aider le pilote dans les transitions. En phase stationnaire, la panne d'un seul des trois moteurs déclenchait immédiatement le système d'éjection automatique SK-E.

Le 10 janvier 1969, la construction d'un fuselage de test est lancée. Puis le 23 janvier, c'est la construction du prototype VM (Vertikalniy Modifiouirovanniy) du futur Yak-36M qui débute. La construction du fuselage d'essai DLL a pris seulement quatre mois, et le 28 mai 1969 il est envoyé au CIAM pour des essais au sol qui ont durés jusqu'à fin juin 1970. Le DLL est ensuite envoyé au LII où, en juillet, il est installé sur un pylône extensible sous le Tu-16LL de test. Le rôle de ce banc d'essai volant était la mise au point de l'installation motrice du VM.

Le fuselage de test DLL du Yak-36M lors de ses essais. Le fuselage DLL lors des essais du réacteur sous le fuselage du Tu-16LL.

Caractéristiques du VM/Yak-36M/Yak-38

Structurellement, le VM était plus avancé que le Yak-36. Le fuselage utilisait un alliage Al-Li qui avait d'excellentes propriétés anti-corrosives pour l'usage en milieu marin. Comme sur le Yak-36, l'appareil avait une aile delta implanté à mi-hauteur du fuselage. Celui-ci était de type semi-monocoque presque entièrement en alliage Al-Li, avec quelques éléments en acier ou en titane. L'habitacle pressurisé comprenait un pare-brise blindé avec une canopée articulée vers la droite, l'étanchéité étant assurée par une bande pneumatique gonflée à 2,5 kg/cm2.

Le compartiment des turboréacteurs de sustentation RD36-35 était situé juste derrière l'habitacle. Ces moteurs étaient abrités sous une grande porte (articulée à l'arrière) munis de 24 volets type persienne, pour alimenter les moteurs en air quand la porte était fermée et équilibrer les pressions à l'intérieur du compartiment. En mode VTOL, la porte était ouverte par deux vérins hydrauliques.

Les entrées d'air du moteur de croisière, situées de chaque côté de l'habitacle, étaient à géométrie fixe. L'accès aux accessoires du moteur se faisait par des panneaux articulés, mais pour retirer le moteur il était nécessaire de démonter la partie arrière du fuselage. Les empennages horizontaux, d'une surface totale de 3,305 m2 avaient une partie mobile d'une surface de 1,142 m2.

Le réacteur de croisière Toumanski R27V-300. L'un des deux réacteurs de sustentation RD36-35.

Comme pour le Yak-36, un des plus gros problèmes était le développement du système de contrôle de vol en phase stationnaire. Le VM avait un système de contrôle semblable à celui du Yak-36 avec des buses orientables utilisant de l'air comprimé prélevé au niveau du compresseur du R-27. Les buses orientables étaient disposés par paire au-dessus et au-dessous de chaque saumon d'aile (jusqu'à 5 kg/s de débit d'air), et dans le cône arrière et en avant du train d'atterrissage avant (jusqu'à 40 kg/s de débit d'air).

Les buses de fuselage assuraient le contrôle longitudinal et, comme elles étaient orientables, également le contrôle en lacet. En phase stationnaire, l'avion pouvait être piloté manuellement, mais habituellement le pilote automatique SAU-36 était branché et assurait le maintien de l'appareil dans une attitude correcte.

Contrairement au Yak-36 et à beaucoup d'autres appareils de la firme équipés d'un train en tandem, le VM était équipé d'un train d'atterrissage tricycle se rétractant dans des compartiments de fuselage. La voie était de 2,2 mètres et l'empattement de 6,06 mètres.

Tous les carburants militaires standards pour turboréacteur (T-l, TS-1, PT et T-7P) pouvaient être injectés sous pression dans les deux réservoirs intégraux de fuselage. Le réservoir n°1, dans la section principale, avait une capacité de 2750 litres, et le n°2, dans la section arrière contenait 690 litres. L'huile synthétique de turbine était contenue dans les différents carters de moteur.

Les prototypes VM étaient équipés du système d'éjection automatique SK-EM perfectionné avec le Yak-36, le siège éjectable étant le KYa-IM légèrement modifié. Il y avait trois circuits hydrauliques fonctionnant à 15,2 mPa. Le circuit principal servait pour les commandes de vol, la roue avant et le système de repliage des ailes. Le circuit secondaire servait de secours pour le principal et était commuté automatiquement en cas de panne. Le troisième circuit alimentait divers systèmes comme le train d'atterrissage principal, les ailerons et le panneau des moteurs de sustentation.

Il y avait deux systèmes pneumatiques, chacun avec un circuit de secours. Le premier alimentait en pression les freins de roue, le système de secours pour le train d'atterrissage, les ailerons et le panneau des moteurs de sustentation R36-35. Le deuxième circuit hydraulique était un système de secours pour la sortie/rétraction du train d'atterrissage. Les R36-35 étaient démarrés avec de l'air comprimé prélevé sur le moteur principal, lui-même démarré électriquement par un groupe auxiliaire.

L'installation d'oxygène KP-52M comprenait deux bouteilles de 2 litres chargées à 150 kg/cm2, alors que le siège éjectable avait son propre système KP-27M. Le pilote portait un casque KM-34 et une combinaison pressurisée VMSK-4 prévue pour permettre la survie dans les eaux arctiques.

Tableau de bord d'un Yak-36M de début de production. Tableau de bord d'un Yak-38 surmonté du viseur ASP-PFD-21.

Les essais en vol du Yak-36M

Yakovlev construisit à Saratov quatre prototypes, le VM-01 (indicatif de fuselage 05) pour les essais au sol, les VM-02 (indicatif 25), VM-03 (indicatif 55) pour les essais en vol et le VM-04 (indicatif 45) pour les essais sur porte-aéronefs. Le prototype VM-01 est terminé le 14 avril 1970, et est envoyé le jour suivant au LII de Joukovski pour des tests sous entraves en mai/juin 1970 avec Moukhin aux commandes.

Le 27 septembre 1970, Moukhin réalise avec le VM-01 le premier vol stationnaire, à une hauteur de 0,5 m. Le VM-02 est terminé le 5 octobre puis Moukhin réalise les premiers tests de roulage au sol, au LII, le 24 novembre 1970.

Début 1971, Yakovlev améliore la visibilité du pilote sur les VM-01 et 02, en remodelant le nez et en surélevant l'habitacle. Le VM-02 est alors assigné au pilote d'usine Mikhaïl Deksbakh, et le VM-03, qui est construit avec les dernières modifications de fuselage, est assigné à Youri Chevyakov. Mikhaïl Deksbakh réalise le premier vol du VM-02 en mode conventionnel le 15 janvier 1971. Le VM-03 fait son premier vol en mode décollage court le 25 mai 1971.

Le 16 juillet, Chevyakov perd le contrôle de l'appareil pendant un atterrissage conventionnel rapide et le VM-03 se retourne sur la piste. Les réparations dureront jusqu'en juin 1972. Yakovlev modifie alors quelque peu l'appareil, par exemple la voie du train est agrandie à 2,76 mètres en inclinant les trains vers l'extérieur et un parachute frein de 13 m2 est ajouté sous la partie arrière du fuselage.

D'autres modifications sont apportées en 1971-72 incluant des cloisons longitudinales sous le fuselage pour réduire la ré-ingestion des gaz chauds, un piège à couche limite dans les entrées d'air du moteur principal, des prises auxiliaires autour des entrées d'airs principales pour admettre plus d'air en vol stationnaire, et une antenne triangulaire en fibre de verre sur la dérive.

Début 1972, le LII commence des essais en vol intensif, au cours desquels Deksbakh réalise la première transition complète de l'appareil (le 20 mars 1972). Deksbakh sera plus tard nommé héros de l'Union Soviétique pour son travail sur le développement des VTOL. En 1972, Deksbakh commence son entraînement sur un hélicoptère Ka-25 à bord du croiseur Moskva, et le 18 novembre 1972, il réalise le premier atterrissage vertical sur ce bâtiment avec le prototype VM-02. Quatre jours plus tard il réalise deux transitions complètes à partir de ce navire.

Les prototypes VM terminent les essais constructeurs le 30 septembre 1974. La production des appareils de série commence alors à Saratov, sous la désignation Yak-36M. Les premiers appareils de série était construit à un standard similaire au VM-02 modifié.

En février 1975, les prototypes VM avaient réalisés 672 vols et ils ont continué à jouer un rôle de formation et de développement. Le premier avion à embarquer sur le Kiev, en mai 1975, était le VM-02.

Le prototype VM-01 au centre d'essais de Joukovski. Le prototype VM-02 en vol. Le VM-04 effectuant un décollage vertical.

Le Yak-38 en service

Les trois premiers appareils de séries sont achevés vers fin 1974. L'avion n°01-01 est envoyé au NII-VVS d’Akhtoubinsk et réalise son premier vol le 30 septembre 1974. Le n°02-01 (appareil 02 de la série 01) est expédié dans une unité spéciale près des chantiers navals de Nikolaïev (qui ont construit le Kiev, le premier croiseur porte-aéronefs de la marine soviétique). Le n°03-01 est expédié à l’institut d’essais en vol LII de Joukovski. La deuxième série d’appareils comportait cinq avions et la troisième dix appareils.

Le 4 avril 1975, lors d'un vol de convoyage, Le Yak-36M n°03-02 s’écrase à l'atterrissage en raison d’une panne d’un des moteurs de sustentation. Mikhaïl Deksbakh se blessera sérieusement parce que le système SK-E était déconnecté. Par contre, le 4 mars 1976, l’accident de Khomiakov sur le Yak-36M n° 09-03 (neuvième appareil de la troisième série) était dû au déclenchement intempestif du siège éjectable par le SK-E alors que l’appareil était en phase de transition après le décollage. On imagine aisément la surprise de Khomiakov éjecté à travers la canopée et qui atterrira sous son parachute dans les eaux glacées de la Volga ! Heureusement, il sera récupéré peu après sain et sauf. Pour ajouter encore au caractère surréaliste de cet accident, l'appareil a tout bonnement continué son vol avec les tuyères du R-27 en position intermédiaire et les moteurs de sustentation en fonctionnement. Il continua son vol en décrivant un large cercle, déclenchant l'alerte aérienne en passant près de Moscou, à une vitesse de 650 km/h. Après 18 minutes de vol, l'appareil s'écrasa dans la cour d'une ferme d'une manière assez soft...

La plupart des premiers appareils ont été attribués au 1er régiment de Saki (aujourd'hui en Ukraine). Le colonel Matkovsky réalise le premier atterrissage sur le Kiev le 15 décembre 1975.

Suite à la fin des essais opérationnels des Yak-36M le 11 août 1976, l'appareil est officiellement mis en service dans l’AVMF sous la désignation Yak-38. Le premier escadron est embarqué sur le Kiev à la même époque, ainsi que les hélicoptères de support. À ce moment-là, le Yak-38 était opérationnel seulement en VTOL pur et, quand le croiseur et ses Yak-38 ont été observés pour la première fois, les observateurs occidentaux ont été surpris par l’absence de décollage STOL (décollage court et atterrissage vertical), technique qui permet d'emporter plus de carburant et d'armes.

Yak-36M n°02-01 sur le pont du Kiev. Le Yak-36M n°03-02 de Mikhaïl Deksbakh après l'accident du 4 avril 1975.

À sa mise en service, le défaut principal du Yak-38 était sa charge utile très limitée, qui était encore réduite par temps chaud. Pendant les premiers essais embarqués durant l’été 1976, la météo en Mer Noire était souvent si chaude qu'aucun armement ne pouvait être emporté, même avec peu de carburant. Pour cette raison, les capacités STOL étaient impatiemment attendues, mais le feu vert a tardé jusqu’en 1979.

Aucun armement interne n'a jamais été emporté par les Yak-38, bien que des essais aient été réalisés avec un canon GCh-23L installé en pod (GP-9) sous le fuselage. Par la suite, ce canon pouvait être emporté dans un ou deux pods UPK-23-250 fixés sous les pylônes externes d’ailes. À aucun moment la charge utile n’a pu dépasser une tonne en mode VTOL, ou deux tonnes en STOL. L'arme la plus importante, testée en 1971 par le prototype VM-02, était le missile anti-navire Kh-23. Celui-ci, pesant 285 kg, était radioguidé et avait 10 kilomètres de portée.

Les autres armes emportées par le Yak-38 étaient divers types de roquettes (jusqu'à 240 millimètres), deux bombes FAB-500 (ou quatre FAB-250) sous pylônes, ou deux bombes incendiaires ZB-500, ou encore deux bombes nucléaires tactiques RN-28. Des missiles air-air R-60 ou R-60M pouvaient être emportés sous les pylônes externes, mais l’absence de radar performant était un handicap en combat aérien.

Bien qu'un prototype ait testé différents systèmes d'armes, l'équipement standard était le système ASP-PFD-21, initialement conçu pour le MiG-21, et comprenant un petit radar. Le reste de l'avionique comprenait le pilote automatique SAU-36, divers systèmes d'alerte et de communication et un brouilleur actif Sirena A.

L'appareil a reçu diverses améliorations en cours de vie opérationnelle comme, par exemple, l'augmentation de poussée à 6800 kgp du R27V-300 vers fin 1976. Les performances ont également été améliorées par le remplacement des moteurs de sustentation initiaux par des Rybinsk RD-36-35 FVR (poussée augmentée de 2900 à 3050 kgp). Ces moteurs ont été montés la première fois sur le Yak-38 n°71590, puis sur la plupart des autres avions.

Une autre amélioration était l'ajout de cloisons sous et sur le fuselage. Les cloisons ventrales étaient destinées à réduire encore la ré-ingestion de gaz chaud. Les cloisons dorsales devaient éviter les pompages de compresseur des moteurs de sustentation provoqués par les turbulences dans les entrées d'air.

Le Yak-38 était considéré comme une étape intermédiaire essentielle pour l'AVMF, sans laquelle l'introduction d'un avion de combat V/STOL serait très difficile. En 1978, le deuxième croiseur porte-aéronefs de 40 000 tonnes, le Minsk, rejoint le service actif et débute immédiatement des essais intensifs avec les Yak-38. Les décollages STOL permettaient d'emporter environ 1,5 tonnes supplémentaires de carburant et d'arme et permettaient aussi de prolonger un peu la durée de vie des moteurs de sustentation.

En avril-juin 1980, 4 Yak-38 ont opéré en Afghanistan, mais la température ambiante élevée empêchait d'utiliser les pleines capacités opérationnelles de l'appareil. L'avion était limité au mode VTOL, et même avec un minimum d'armes et de carburant, le Yak-38 ne pouvait pas opérer du tout pendant les étés torrides de l'Afghanistan.

La production à Saratov du Yak-38 s'est élevée à 143 appareils, livrés entre 1975 et 1981, suivis de 50 Yak-38M construit jusqu'en 1988, ainsi que de 38 biplaces d'entraînement Yak-38 U. Le code OTAN du Yak-38 était Forger-A, aussi bien pour le Yak-38 que le Yak-38M, les observateurs occidentaux n'ayant pas attribués de code pour cette version améliorée.

Décollage vertical du Yak-38 "33 jaune". Yak-38 sur le pont du Novorossiysk.

Les dérivés du Yak-38

Le Yak-38U :

Dès le début du programme, il était prévu, en raison des difficultés de pilotage des VTOL, de développer une version d'entraînement biplace. Cet avenant au programme a été signé le 28 décembre 1967. La désignation constructeur était VMU. Le 4 mars 1971, le général Mikhaïl Mochouk approuve les spécifications techniques du Yak-38U et autorise la construction des prototypes.

Cette version différait de l'appareil de base par un fuselage agrandi pour accueillir un habitacle biplace. L'avant du fuselage était incliné vers le bas pour améliorer la vue vers l'avant de l'instructeur, ce qui donnait un aspect très disgracieux à l'appareil. Pour conserver l'équilibre de lavion, une section de fuselage a aussi été rajoutée en arrière de l'aile. Par contre, les autres éléments de fuselage, de voilure et d'empennage étaient inchangés.

L'habitacle n'était pas pressurisé, la canopée était divisée en deux éléments articulés sur le coté et chaque pilote était installé sur un siège éjectable K-36 VMU relié au système SK-EM-K36VM. L'équipement incluait un pilote automatique SAU-36U et un système de communication SPU-9.

Des dispositions pour l'emport de 500 kg de bombes ou de roquettes sous deux pylônes d'ailes étaient prévues, mais les appareils de série n'ont jamais été utilisés autrement que dans le rôle d'appareil d'entraînement. De plus, la masse maximale autorisée était limitée à 10 000 kg dont 2350 kg de carburant. L'appareil était également limité en vitesse à 850 km/h ainsi qu'en altitude (5000 mètres) à cause de l'absence de pressurisation du cockpit.

Le 24 mars 1972, le prototype VMU-01 est achevé et envoyé au LII de Joukovski. Après un an d'essais au sol, il réalise son premier vol le 23 mars 1973. Il réalise son premier vol complet (avec transitions) le 30 mars 1974, puis servira ensuite à la formation des pilotes-instructeurs de l'AVMF à Akhtoubinsk avant d'être envoyé à Saki où il est exposé depuis.

Les avions de série ont été commandés sous l'appellation Yak-36U, puis redésignés Yak-38U une fois en service. Les deux premiers appareils de série, n° 0101 et 0102, sont terminés en juin 1975. Ils sont ensuite envoyés à Saki, où les essais opérationnels ne seront terminés qu'en septembre 1977. L'appareil est déclaré bon pour le service par le ministère de la défense Soviétique le 15 novembre 1978, soit plus de deux ans après le Yak-38 monoplace.

La deuxième série comportait trois l'avion, le n°0202 étant une cellule d'essai statique. Les séries ultérieures en comportaient cinq, la production étant terminée au trente-huitième appareil en 1981. Deux ou trois appareils étaient embarqués sur chaque porte-aéronefs, avec douze appareils monoplaces.

Certains Yak-38U furent utilisés pour la mise au point des procédures de décollage court sur porte-aéronefs, technique qui ne fut pas mise au point sans problèmes comme en témoigne l'accident de Derksbakh du 27 Décembre 1979. Celui-ci, sérieusement blessé lors d'un précédent accident en Yak-38, ne parviendra pas à atteindre une vitesse suffisante en quittant le pont du Minsk et s'écrasera dans la mer avec Oleg Kononenko sur le siège avant. Heureusement, les deux pilotes s'éjecteront avec succès avant l'impact, Derksbakh ayant même la chance d'atterir sur le pont du navire !

Le 8 septembre 1980, Oleg Kononenko aura moins de chance aux commandes du Yak-38 "45" suite à un décollage court, toujours sur le pont du Minsk. Lors de ces décollages courts, le pilote réglait les tuyères orientables à 60 ° le temps que les moteurs atteignent leur plein régime puis à 25° (par rapport à l'horizontal) pour acquérir la vitesse d'envol. Pour une raison indéterminée, les tuyères de l'appareil de Kononenko sont revenus à 60° pendant la course ce qui a empêché l'appareil d'atteindre sa vitesse de décollage. Celui ci s'est écrasé en mer à environ 200 mètres devant le navire. Malheureusement, le pilote ne parviendra pas à faire fonctionner son siège éjectable avant l'impact et perdra la vie dans cet accident.

Le prototype VMU-01 de la version d'entraînement. Yak-38U sur le pont d''un porte-aéronefs de la classe Kiev.

Autres dérivés du Yak-38 :

Yak-36O : Ce développement du Yak-36M devait être un avion opérationnel amélioré. Il devait loger, dans un fuselage remodelé, un moteur type 55 de la classe des 15 000 kgp de poussée.

Yak-36P : Projet d'intercepteur dérivé du Yak-36M et équipé d'un radar et de missiles à moyenne portée.

Yak-38U : Version biplace opérationnelle en 1977.

Yak-38I : Projet avec le moteur de croisière/sustentation Lyoulka AL-21F.

Yak-38M : Version améliorée entrée en service en 1985.

Yak-38 MP : Projet avec le radar Phazotron N-019 et des systèmes avancés de navigation/attaque.

Yak-39 : Version polyvalente avec un radar à modes multiples faisant partie de l'avionique PRNK-39, une aile de plus grande surface alaire, une plus grande capacité en carburant et un plus grand éventail d'armement.

Le Yak-38M :

Le 27 août 1981, le gouvernement soviétique décide par décret le développement d'une version améliorée du Yak-38. Le nouvel appareil devait être capable d'emporter 1000 kg d'armement en mode VTOL. Ceci ne pouvait être réalisé que par l'installation de moteurs améliorés.

D'ailleurs, tout au long de la vie opérationnel du Yak-38, le firme Toumansky (plus tard Soyouz) a continué de développer le moteur de croisière R-27 et en 1979 la firme avait commencé à tester le R-27VM-300 et finalement le R28V-300. La chambre de combustion et la turbine étaient presque identique, le compresseur avait des aubes légèrement plus grandes pour augmenter le flux d'air. La poussée au décollage était de 6940 kgp.

Parallèlement, la firme Rybinsk avait développé une nouvelle version du moteur de sustentation RD-36-35 FVR, le RD-38, moteur qui avait un taux de compression de 5,6, un flux d'air accru (45 kg/s) et une température d'entrée de turbine plus élevée (1090°C) avec pour résultat une poussée de 3252 kgp. L'ensemble de ces améliorations moteurs permettaient de fournir 1100 kgp de poussée supplémentaire en mode VTOL.

La puissance supplémentaire permettait d'emporter une plus grande quantité de carburant et d'armement tandis que le reste de l'avion était peu modifié. La masse au décollage (VTOL) passait de 10 300 kg à 11 300 kg (ou 12 000 kg en mode décollage court). Les entrées d'air principales étaient légèrement élargies et les points d'emport sous voilure étaient renforcés pour emporter jusqu'à une tonne d'armement.

D'autre part, le Yak-38M était équipé d'un train avant à roue orientable pour faciliter les déplacements de l'appareil sur le pont d'envol des navires. Des modifications furent également faites sur l'installation carburant pour permettre l'emport de réservoir largables sur les pylônes d'ailes.

Quatre prototypes ont été construit par l'OKB Yakovlev et numérotés 82-1 à 82-4, plus le banc LL-82, un fuselage d'essai en soufflerie. Le premier d'entre eux était un appareil de la série précédente (le n° 04-13). Les deux premiers prototypes sont apparus en 1982, le premier vol ayant lieu le 2 décembre 1982 avec Youri Mitikov aux commandes, pilote qui avait joué un grand rôle dans le développement opérationnel en mer des versions précédentes. Le premier vol complet avec transition est réalisé le 10 février 1983.

Les essais en vol des prototypes du Yak-38M ont durés jusqu'au 3 juin 1983. Les essais en mer ont commencé avec l'appareil 82-1 à bord du croiseur porte-aéronefs Minsk au printemps 1984, le pilote étant Andreï Sinitsyn. Le 12 avril 1985, le prototype "82-1" s'écrase lors de son 101ème vol, le pilote étant sauvé par le déclenchement automatique de son siège éjectable par le SK-M. La période des essais opérationnels a duré jusqu'en juin 1985 avec les premiers appareils de série, après quoi le Yak-38M est entrée en service.

La firme de Saratov a construit 50 Yak-38M. Un nombre restreint d'avion de la série précédente a aussi été porté au standard Yak-38M. Cependant, bien que plus puissant que le Yak-38, et aussi probablement plus fiable, le Yak-38M n'offrait pas beaucoup d'avantages opérationnels en raison de l'absence inexpliquée de réservoir de carburant largable.

Les avions de production furent livrés à Severomorsk pour la Flotte de la Mer du Nord et à Vladivostok pour la Flotte du Pacifique, quelques appareils furent aussi livrés au centre d'entrainement de l'aviation navale à Saki. Selon Yakovlev, la Royal Navy a mis en service 241 Harrier en 1969-81. Pendant cette période, la Royal Navy a perdu 25 pilotes lors de 83 crashs, alors que la marine Soviétique a mis en service 115 Yak-38 en 1974-80, perdant seulement quatre pilotes lors de 36 crashs.

Le premier prototype du Yak-38M. Le Yak-38M n°06-05.

Depuis 1985, les Yak-38 survivants ont été remplacés par des Yak-38M et très peu de ces appareils ont été détruits. Dans la période 1991-93, qui a suivi l'effondrement de l'Union Soviétique, les 4 croiseurs lourds porte-aéronefs ont été retirés du service et les régiments de Yak-38M dissous.

Plusieurs Yak-38 sont préservés, le 02-01 est au musée de Yakovlev, un des premiers avions de série (n°14) est au musée de Monino et un des derniers Yak-38M construit (n°88) est à Joukovski.

Pendant l'été 1992, Sinitsyn et Yakimov ont convoyé un Yak-38U aux Etats-Unis où il a été piloté par deux pilotes de l'US Navy. En septembre 1992, un Yak-38M a été présenté à Farnborough. Aujourd'hui tous les Yak-38/38M sont en stockage longue durée et il est très improbable de revoir voler ces appareils. Ils ont souffert d'une capacité d'emport insuffisante, d'un rayon d'action limité et de temps entre révisions trop court pour être considérés comme vraiment réussis.

Fiche technique
Yak-38 Yak-38M
Longueur 16,37 m 16,37 m
Envergure 7,02 m 7,02 m
Hauteur au sol 4,25 m 4,25 m
Surface alaire 18,41 m2 18,41 m2
Masse à vide 7020 kg 7500 kg
Masse maximale au décollage 11 300 kg 11 800 kg
Équipage 1 1
Motorisation 1 turbojet Toumanski R27V-300 à poussée vectorielle de 6100 kgp avec + 2 turbojets Rybinsk RD36-35FV de sustentation de 3050 kgp 1 turbojet Toumanski R28V-300 à poussée vectorielle de 6940 kgp avec + 2 turbojets Rybinsk RD-38 de sustentation de 3252 kgp
Plafond opérationnel 11 300 m 12 000 m
Vitesse maximale 1210 km/h 1210 km/h
Distance franchissable 195 km -
Course au décollage 0 m (vertical) 0 m (vertical)
Course à l'atterrissage 0 m (vertical) 0 m (vertical)
Armement 2 canons GCh-23L de 23 mm en pod UPK-23-250, ou 4 missiles R-60M, Kh-23M ou Kh-25MR, ou 2000 kg de bombes 2 canons GCh-23L de 23 mm en pod UPK-23-250, ou 4 missiles R-60M, Kh-23M ou Kh-25MR, ou 2000 kg de bombes
Profil de Yak-38. Profil Yak-38U. Profil de Yak-38M.
Sources :
  • Yakovlev Yak-36, Yak-38 & Yak-41, The Soviet 'Jump Jets', Yefim Gordon, Midland Publishing, 2008
  • OKB Yakovlev, A history of the design bureau and its aircraft, Yefim Gordon, Dmitriy Komissarov & Sergey Komissarov, Midland Publishing, 2005
Pour reproduire cet appareil :
Fabricant Échelle Référence et désignation
Amodel 1/72 7257 Yak-38
Amodel 1/72 7258 Yak-38U
Page mise à jour le 21/04/2012