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Tupolev Tu-160

Tupolev Tu-160 "08 rouge" au décollage en mars 2009.

Au milieu des années 1970, l'aviation stratégique soviétiques (Дальняя Авиация) ne pouvait compter que sur les bombardiers subsoniques Tupolev Tu-95 et Miassichtchev M-4 et 3M pour mener une frappe nucléaire sur le territoire américain. L'aire Krouchtchev avait en effet donné la préférence aux missiles balistiques intercontinentaux. Mais le lancement aux États-Unis du programme AMSA (Advanced Manned Strategic Aircraft) en 1969, qui aboutira au bombardier Rockwell B-1 Lancer, poussa les Soviétiques à initier eux aussi le développement d'un bombardier stratégique supersonique.

Les derniers seront les premiers...

Le 28 novembre 1967, le décret n°1098-378 du Conseil des Ministres de l'URSS ordonna le lancement d'études préliminaires en vue de la réalisation d'un bombardier supersonique intercontinental. Les performances attendues étaient utopiques : la vitesse de croisière à 18 000 m devait atteindre 3200 à 3500 km/h et la distance franchissable était fixée entre 11 000 et 13 000 km. La charge militaire transportable devait s'élever à 45 tonnes.

Deux bureaux d'études décidèrent de répondre à l'offre dans un premier temps : l'OKB-23 de Miassichtchev et l'OKB-51 de Soukhoï, l'OKB-156 de Tupolev étant déjà engagé dans d'autres programmes importants. Au début des années 1970, les deux concurrents remirent leurs dossiers de conception : Soukhoï proposa le T-4MS (ou Izdeliye 200) et Miassichtchev le M-20. Tous deux utilisaient des ailes à géométrie variable et étaient propulsés par quatre turboréacteurs mais présentaient une aérodynamique très différente. Miassichtchev présenta en parallèle un second modèle, le M-18, qui, contrairement au M-20 dont les ailerons se trouvaient derrière le cockpit (plans canard), adoptait un empennage horizontal traditonnel. Le M-18 était assez proche du futur B-1, et ses performances théoriques faisaient de lui le plus prometteur des deux projets de Miassichtchev.

Vue d'artiste du projet T-4MS de Soukhoï. Maquette du Miassichtchev M-20. Maquette du second projet de Miassichtchev, le M-18, dont les formes inspirèrent celles du Tu-160.

En 1969, le gouvernement soviétique "invita" l'OKB Tupolev à rejoindre le programme de bombardier supersonique. Jusqu'en 1970, les dirigeants de Tupolev purent assister à toutes les réunions du gouvernement sur le sujet en tant qu'observateurs. Après une analyse détaillée du programme et de ses capacités, l'OKB Tupolev décida de rentrer dans la course. Le projet fut confié à la section K de l'OKB-156, sous la direction d'Alekseï Andreïevitch Tupolev, fils de l'ingénieur en chef. La direction du projet passa ensuite entre les mains de Valery Ivanovitch Blizniouk. Désigné dans un premier temps "Avion 156", le projet fut rapidement rebaptisé "Avion 160", ou Izdeliye 70 (bien que certains documents mentionnent également la désignation Izdeliye K). Les concepteurs se basèrent sur l'expérience acquise avec le supersonique civil Tu-144. Ainsi, la première configuration de l'Izdeliye 70 reprenait les ailes delta du Tu-144. Cette configuration devait permettre d'atteindre les vitesses demandées, mais posait des problèmes de résistance des matériaux face à la température élevée à laquelle serait soumis l'appareil. Ainsi, les ingénieurs de l'OKB-156 décidèrent de limiter la vitesse de croisière à Mach 2,3. Cette limitation permettait en outre d'augmenter la distance franchissable grâce à une consommation spécifique inférieure.

Les ailes à géométrie variable furent également étudiées par Tupolev, mais elles entraînaient une hausse du poids de l'appareil et rendaient son architecture plus complexe. Cependant, c'était la seule solution pour obtenir un bon compromis entre les performances subsoniques et supersoniques. Les études comparatives menées entre un appareil à voilure fixe et à géométrie variable démontrèrent que la finesse de l'aile (rapport de la portance sur la traînée) était de 20 à 50% supérieure pour une géométrie variable aux vitesses subsoniques et identique aux allures supersoniques. Malgré cela, de nombreuses configurations delta furent étudiées entre 1970 et 1972 sous la désignation d'"Avion 160M".

Maquette de l'une des premières configurations double delta étudiées par l'OKB Tupolev pour son "Avion 160M".

Lorsque les trois concurrents présentèrent leurs projets au MAP à l'automne 1972, Tupolev sélectionna une version avec aile brisée (ou double delta) de son "Avion 160M", qui imitait la configuration du Tu-144 de série. Cette ressemblance trop criante entraîna le rejet du projet par le MAP qui ne voulait pas d'un simple dérivé d'un avion civil. En revanche, le T-4MS de Soukhoï retint l'attention des militaires. Quant aux projets de Miassichtchev, ils furent jugés tout à fait en phase avec les attentes de l'Armée de l'Air, mais furent tout de même rejetés, l'OKB-23 récemment reconstitué n'ayant pas les reins suffisamment solides pour construire un prototype. Mais si Soukhoï sortit vainqueur de la compétition, la construction d'un prototype du T-4MS imposait de confier l'usine n°22 du MAP à l'OKB-51, ce que personne ne souhaitait, à part Soukhoï... De plus, l'OKB-51 avait déjà fort à faire avec le programme du chasseur T-10 (futur Su-27) et le développement de nouvelles versions des Su-17 et Su-24. Ainsi, la commission d'appel d'offre, bien que déclarant le projet de Soukhoï vainqueur, confia la suite du développement à Tupolev, demandant à Soukhoï et Miassichtchev de remettre leurs travaux à l'OKB-156.

Développement du Tu-160

Ainsi, en cette fin d'année 1972, Tupolev s'était retrouvé responsable du développement du futur bombardier stratégique soviétique. Retenant la leçon de la commission d'appel d'offre, l'OKB-156 travailla dès lors uniquement sur une configuration d'aile à géométrie variable pour son "Avion 160" (Izdeliye 70). Cette même année, Tupolev lança un vaste programme de R&D visant à optimiser l'aérodynamique de l'appareil, la motorisation, l'avionique et les matériaux, aidé dans cette tâche par les instituts TsAGI, GosNII AS, LII, VIAM, NIAT, MIREA, le MKB Radouga, le NPO Troud et le NPO Elektroavtomatika. Les formes générales du nouvel avion rappelaient celles du M-18 dont Tupolev s'inspira. La conception des ailes à géométrie variable fut emprunté au Tu-22M, puisque les portions mobiles, les pivots et les vérins en sont largement inspirés, bien qu'il fallut les agrandir et les renforcer, ce qui constituait déjà un défi. Pour améliorer l'aérodynamique de l'appareil, 11 maquettes furent testées dans la soufflerie du TsAGI : les ingénieurs obtinrent une finesse de 18,5-19 en mode subsonique et supérieure à 6 en mode supersonique. Pour limiter la largeur du fuselage, et donc la traînée, les deux soutes à munitions furent placées en tandem, et non côte à côte.

Concernant la motorisation, quatre turboréacteurs Kouznetsov NK-25 de 25000 kgp avec réchauffe, identiques à ceux du Tu-22M3, furent choisis dans un premier temps. Mais, bien qu'il ait une poussée suffisante, ce turboréacteur affichait une consommation spécifique trop importante pour un supersonique intercontinental. L'OKB-276 développa alors le NK-32, un turboréacteur doté d'une poussée avec réchauffe identique mais d'une poussée à sec plus faible (13000 kgp contre 14300 kgp pour le NK-25), et surtout affichant une consommation spécifique acceptable : entre 0,72 et 0,73 kg/kgp en subsonique et 1,7 kg/kgp en supersonique. Pour choisir la meilleure disposition des moteurs, 14 modèles furent testés par le TsAGI. C'est finalement la configuration du M-18 qui fut retenue, à savoir un montage par paire de part et d'autre du fuselage, sous l'emplanture des ailes. Concernant les matériaux utilisés, la structure comprenait 38% d'alliages de titane, 58% d'alliages d'aluminium, 15% d'acier et 3% de composites.

Pour ce qui est de l'armement, l'"Avion 160" devait au départ pouvoir emporté soit 2 missiles Kh-45 à long rayon d'action, soit 24 Kh-15 à courte portée montés sur quatre lanceurs rotatifs MKU-6-1. La taille des Kh-45 (10,8 m de long) imposa les dimensions des deux soutes. Pour la défense du bombardier, les militaires souhaitèrent le doter d'un canon sextuple GCh-6-30, mais Tupolev les persuada de le remplacer par un système de contre-mesures électroniques. L'avionique de l'appareil fut testée sur un simulateur au GosNII AS, ce qui facilita par la suite son intégration. Pour les essais dans des conditions de vol à haute altitude, le GosNII AS construisit en 1981 la plus grande enceinte pressurisée au monde (40x18x9,8 m).

Maquette du projet de l'"Avion 160" inspiré de la forme du M-18.

Le 26 juin 1974, une directive du Conseil des Ministres de l'URSS ordonnait officiellement à l'OKB Tupolev de développer le bombardier stratégique supersonique Tu-160 propulsé par quatre turboréacteurs NK-32. Une seconde directive, datée du 19 décembre 1975, spécifiait les performances attendues : l'avion devait pouvoir franchir une distance de 14 000 à 16 000 km avec deux missiles Kh-45 en mode subsonique, atteindre une vitesse de pointe de 2300 à 2500 km/h et un plafond de 18 000 à 20 000 m. Sa charge militaire maximale était revue à 40 tonnes. En plus des missiles précédemment cités, l'appareil devait être capable d'emporter entre 10 et 12 Kh-15M ou le même nombre de Kh-55 (qui remplacera finalement le Kh-45), ainsi que des bombes conventionnelles et nucléaires.

En 1977, un modèle en bois à l'échelle 1 fut fabriqué à l'usine MMZ n°156, et cette même année, les autorités validèrent le projet et le modèle. En 1980, le premier turboréacteur NK-32 fut testé sur le second des deux bancs d'essai volant Tu-142LL (conversion à partir d'un Tu-142M), monté sous l'emplacement de la soute à bombes. Dans le même temps, l'institut VNIIRA de Leningrad (ou LNPO Leninets) développa le radar de navigation et d'attaque Obzor-K du Tu-160. Pour le tester, un Iliouchine IL-18V fut converti en SL-18V à la fin des années 1970 et utilisé depuis le terrain de Pouchkine, non loin de Leningrad. Le radar était placé dans un long radôme conique monté sur le nez de l'appareil.

Banc d'essai volant Tu-142LL pour le turboréacteur NK-32, photographié sur le terrain du LII à Joukovski en 1991. Le SL-18V caractérisé par son long radôme de nez accueillant le radar Obzor-K pour ses essais.

Du premier prototype à la production en série

La construction des trois prototypes du Tupolev Tu-160 commença en 1977 à l'usine MMZ n°156, qui travaillait en collaboration avec l'usine MAP n°22 de Kazan (baptisée KAPO à la fin des années 1980), chargée de la production en série. La préparation de l'usine pour la production en série fut engagée avant même que le premier Tu-160 n'ait volé !

Le premier prototype reçut le nom d'usine d'Izdeliye 70-00, mais les militaires lui attribuèrent la désignation Izdeliye 70-01. L'exemplaire statique pour essais au sol fut baptisé Izdeliye 70-02, tandis que le second prototype volant fut appellé Izdeliye 70-03. Durant l'été 1980, l'Izdeliye 70-01, partiellement achevé, fut transféré par la route jusqu'au terrain du LII à Joukovski, où se trouvait le centre d'essais de l'OKB-156. Les essais au sol de différents système de l'appareil, toujours inachevé, débutèrent le 22 octobre 1980. L'avion fut achevé en janvier 1981, mais les essais au sol se poursuivirent jusqu'en novembre. Le 14 novembre 1981, l'Izdeliye 70-01 roula pour la première fois par ses propres moyens, puis, le 18 décembre, Boris Ivanovitch Veremey arracha du sol pour la première fois les 275 tonnes de l'appareil. Il était assisté par le copilote Sergueï T. Agapov et par les navigateurs Mikhaïl M. Kozel et Anatoli Yeriomenko. Dès le 25 novembre 1981, un satellite américain avait surpris le prototype sur sa base, dévoilant son existance à l'OTAN, qui lui attribua le nom provisoire de Ram-P avant de le surnommer Blackjack.

Le second prototype volant, l'Izdeliye 70-03, rejoignit le programme d'essais le 6 octobre 1984, jour de son premier vol avec le pilote d'essais Sergueï T. Agapov aux commandes. Extérieurement, il se différenciait de l'Izdeliye 70-01 par les formes de son radôme de nez, qui était parfaitement conique sur le premier prototype, et qui adopte avec le second sa forme définitive. En février 1985, un important jalon fut franchi avec le premier vol supersonique de l'Izdeliye 70-01.

Le premier prototype (Izdeliye 70-00 ou 70-01) en décembre 1978, peu après son premier vol. Remarquez son nez parfaitement conique. L'Izdeliye 70-01 juste avant son atterrissage à Joukovski. Remarquez les soutes placées en tandem sous le fuselage. Le premier prototype en vol avec ses ailes à flèche maximale.
Le second prototype Izdeliye 70-03 au décollage de la piste 30 de Joukovski. Le second prototype juste avant de s'élancer de la piste 12 à Joukovski. Le second prototype à l'atterrissage à Joukovski.

Bien avant la fin des essais d'acceptation, le 10 octobre 1984, soit 4 jours après le premier vol du second prototype, le premier Tu-160 de série construit à Kazan (n°0101) décolla du terrain de Borisoglebskoye. Le second Tu-160 de série (n°0102) effectua son premier vol le 16 mars 1985, le troisième (n°0201) le 25 décembre 1985 et le quatrième (n°0202) le 15 août 1986. Tous ces appareils portaient une livrée blanche "anti-radiations", ce qui valut au Tu-160 son surnom officieux de Белый Лебедь, ou Cygne Blanc. Les huit premiers appareils de série participèrent aux essais d'acceptation à Joukovski puis à Akhtoubinsk avec les deux prototypes. Les essais d'acceptation menés à Akhtoubinsk, près de Saratov, furent dirigés par des pilotes du GK NII VVS. Durant les tests, l'appareil atteignit une vitesse de pointe de 2200 km/h, mais la vitesse maximale fut fixée à 2000 km/h en service pour limiter la fatigue de la strucutre et préserver la durée de vie de l'avion.

Tupolev Tu-160 lors d'un vol d'essai. Le premier Tu-160 de série construit à Kazan (n°0101). Le Tu-160 n°0101 sur le terrain de Kazan.

La production en série des moteurs NK-32 commença en 1986, les moteurs fournis jusque là au programme Tu-160 n'étaient que des exemplaires de présérie. Cette même année, le missiles de croisière Kh-55SM (AS-15 Kent pour l'OTAN) d'une portée de 3000 km entra à l'inventaire de l'aviation stratégique. Initiallement, il était prévu de produire 100 Tu-160, mais les coupures dans le budget de la défense réalisées par Mikhaïl Gorbatchev à la fin des années 1980 et la chute de l'URSS rendirent ce chiffre complètement irréaliste. Au début de l'année 1990, les usines MMZ n°156 et KAPO avaient produits 33 Tu-160, y compris les prototypes et exemplaires statiques, et treize autres appareils étaient en cours de construction. Sur ce total, trois exemplaires furent conservés par l'OKB Tupolev pour mener des études et développement ultérieurs. Un seul Tu-160 fut perdu pour cause d'accident durant les essais, en mars 1987.

Tupolev Tu-160 en cours de construction à l'usine KAPO de Kazan.

Suite à la chute de l'URSS, une bonne partie des Tu-160 en service (19 exemplaires) resta en Ukraine. Sur les 13 appareils en cours de construction au KAPO, seulement 6 furent achevés. Pour équiper un régiment complet des VVS sur Tu-160, Boris Elstine décida de relancer la production à la fin des années 1990. Le 10 septembre 1999, le premier Tu-160 "russe" (n°0802) réalisa son premier vol depuis la piste de l'usine KAPO. Un autre Tu-160 fut livré par l'usine KAPO en avril 2008. Un programme de modernisation de la flotte de Tu-160 a été lancé pour permettre de prolonger leur durée de vie jusqu'en 2030 au moins.

Carrière opérationnelle

Le 184 GvTBAP Poltavsko-Berlinskiy de la 37 VA basé à Prilouki, en Ukraine, fut la première unité opérationnelle à recevoir deux Tupolev Tu-160 le 17 avril 1987 (ou le 25 avril selon d'autres sources), alors que les essais d'acceptation n'étaient pas encore achevés. Pour accueillir ce géant supersonique, la piste de la base de Prilouki fut renforcée et allongée pour la porter à 3000 m. La formation du personnel navigant fut effectuée directement sur le terrain de l'usine n°22 de Kazan et non au 43 TsBP i PLS, tandis que les mécaniciens furent formés à l'usine n°24 de Kouïbychev (l'actuelle Samara), où était produit le NK-32. Les pilotes n'étaient pas directement formés sur le nouveau bombardier mais passaient d'abord par le Tu-134UBL. Ils étaient pour la plupart habitués à voler sur Tu-22M et trouvaient le Blackjack bien plus facile à manier.

Fin juillet 1987, un équipage de Tu-160 du 184 GvTBAP effectua le premier lancement de missile Kh-55SM de l'unité, obtenant un très bon résultat. Pour accélérer la conversion des pilotes, un simulateur de vol fut installé à Prilouki. Les pilotes appréciaient vraiment leur nouvelle monture : elle avait une excellente accélération et une vitesse ascentionnelle tout aussi bonne, qui leurs faisait dire qu'elle "montait toute seule". Au fur et à mesure que les pilotes prenaient en main l'appareil, les missions s'allongèrent. En 1989, un équipage du 184 GvTBAP commandé par le colonel Valery Gorgol effectua un vol de 12 heures 50 minutes, s'approchant à 450 km des côtes canadiennes. Au début de l'année 1991, l'unité avait reçu 19 Tu-160, équipant deux escadrilles. Au moment de la chute de l'URSS, ces appareils restèrent en Ukraine.

Tu-160 de début de production du 184 GvTBAP sur la base de Prilouki. Tu 160 "21 rouge" du 184 GvTBAP poussé par un BelAZ-7420 après son atterrissage sur le terrain de Prilouki. À l'époque soviétique, les Tu-160 portaient une simple livrée blanche, avec pour seuls marquages les étoiles rouges et le code tactique sur les trappes de train avant.
Tu-160 en cours de maintenance. Remarquez la barre de soutien placée sous la queue de l'appareil. Tu-160 "05 rouge" à l'atterrissage sur la piste d'Engels-2. Tu-160 "03 rouge" lors d'une sortie à partir d'Engels-2.

Le 1096 GvTBAP Sevastopolskiy basé sur le terrain d'Engels-2, dans la région de Saratov, fut la seconde unité à recevoir des Tu-160 à partir du 14 février 1992. Les trois premiers exemplaires, dont la construction avait commencé avant la chute de l'URSS, furent livrés à l'unité entre février et mai 1992. La plupart des pilotes et mécaniciens furent transférés de Prilouki à Engels-2, refusant de servir l'Ukraine fraîchement indépendante et préférant rallier les forces russes. La base d'Engels-2 dut à son tour être adaptée pour recevoir le Tu-160. Durant l'année 1993, le 1096 GvTBAP reçut ses quatrième et cinquième bombardiers supersoniques, puis un sixième en 1994, ce qui était très insuffisant pour en faire une unité prête au combat. Des tractations furent engagées avec l'Ukraine pour essayer de racheter les 19 Tu-160 restés sur son sol. Mais en 1998, l'Ukraine commença à les ferrailler avec l'aide financière des États-Unis. Finalement, pour rembourser une partie de sa dette envers la Russie, l'Ukraine accepta de céder 8 Tu-160 en octobre 1999. Le 6 novembre 1999, le Tu-160 "10 rouge" fut le premier d'entre eux à gagner Engels-2. Fin janvier 2000, les 8 Tu-160 ex-ukrainiens avaient rejoint le 121 GvTBAP Sevastopolskiy (qui avait remplacé le 1096 GvTBAP dissout en 1995), qui comptait désormais 14 Tu-160 dans ses rangs, de quoi équiper deux escadrilles.

Le drapeau russe est envoyé sur le Tu-160 "10 rouge", premier des 8 appareils à être transféré depuis l'Ukraine le 6 novembre 1999. Tu-160 ex-ukrainien "04 rouge" Ivan Yaryguine. Tu-160 ex-ukrainien "02 rouge" Vasiliy Rechetnikov.

Le 5 mai 2000, le premier Tu-160 entièrement construit après la chute de l'URSS (n°0802), portant le code "07 rouge", fut livré au 121 GvTBAP Sevastopolskiy qui prenait ainsi livraison de son quinzième Blackjack. Dès cette époque, chaque appareil se vit attribué le nom d'une personnalité de l'aéronautique russe, peint en rouge de part et d'autre du fuselage, derrière le poste de pilotage. À partir de 2001, les vols d'entraînement au-dessus du Pôle Nord reprirent pour les bombardiers stratégiques russes, après une pause de 10 ans. Le 18 septembre 2003, le Tu-160 "01 rouge" baptisé Mikhaïl Gromov s'écrasa, entraînant la mort de l'équipage. Une fois la cause de l'accident établie, le reste de la flotte de Tu-160 subit une modification au niveau du système de distribution du kérosène. Pour remplacer cette perte, un nouvel appareil fut fabriqué à l'usine KAPO et livré le 29 avril 2008 : il reçut le numéro "08 rouge" et le nom de Vitaliy Kopilov, ancien directeur de l'établissement.

Le Tu-160 "07 rouge" Aleksandr Molodtchiy en cours de maintenance à Engels-2. Tu-160 "08 rouge" Vitaliy Kopilov en phase d'approche à Koubinka en mars 2009.
(crédits photo : Dmitriy Pitchouguine sur Airliners.net)
Tu-160 volant avec ses ailes à flèche maximale et sa perche de ravitaillement déployée.

En août 2007, le président Poutine décida de reprendre les patrouilles régulières des bombardiers stratégiques au-dessus de l'Atlantique et du Pacifique, qui avaient cessées en 1992. Le 10 septembre 2008, deux Tu-160 décollèrent d'Engels-2 pour gagner la base d'El Libertador, au Vénézuela, ce qui constitua la première visite à l'étranger du bombardier supersonique. Les deux appareils effectuèrent deux vols d'entraînement de 6 heures au-dessus de la mer des Caraïbes et en direction du Brésil, avant de regagner Engels-2 le 19 septembre.

Alignement de Tu-160 accompagnés d'un TZ-22 à Engels-2. Le Tu-160 "04 rouge" Ivan Yaryguine a largué son parachute de freinage lors d'un atterrissage à Engels-2. Cliché nocturne du Tu-160 "10 rouge" Nikolaï Kouznetsov.
Ravitaillement en vol du Tu-160 "07 rouge" en route pour le Vénézuela. Tu-160 "07 rouge" sur la base d'El Libertador au Vénézuela. Tu-160 "10 rouge" au décollage en mai 2009.
(crédits photo : Max Briansky sur Airliners.net)

Description technique

Le Tupolev Tu-160 est le plus gros avion supersonique au monde. Il a des ailes à géométrie variable actionnées par des vérins hydrauliques, pouvant former une flèche de 20°, 35° ou 65°, faisant varier l'envergure de 57,7 m à 35,6 m. Sur l'empennage, les gouvernes de profondeur de forme trapézoïdale sont monoblocs et la partie supérieure du gouvernail est également monobloc. Les quatre turboréacteurs Kouznetsov NK-32 sont montés par paire dans des nacelles sous la voilure. Les entrées d'air en V présentent une section rectangulaire à l'extérieur convergent vers une section circulaire en entrée de compresseur. Les 171 tonnes de kérosène sont réparties dans 13 réservoirs internes. Une perche GPT-2 de ravitaillement en vol est installée dans le nez de l'appareil pour permettre un ravitaillement depuis un Iliouchine IL-78.

Le train d'atterrissage tricycle est composé d'un train avant rétractable vers l'arrière, doté de deux roues de 1080x400 mm, et de deux trains principaux rétractables eux aussi vers l'arrière, équipés chacun de six roues de 1260x425 mm. Un garde-boue a été placé sur le train avant pour éviter la projection de corps étrangers dans les entrées d'air.

Gros plan sur le train avant du Tu-160 "05 rouge". Train principal de Tu-160.
Perche GPT-2 déployée juste avant le début du ravitaillement. Tuyères de deux des quatre turboréacteurs Kouznetsov NK-32 du Tu-160 "10 rouge".
(crédits photo : Fyodor Borisov sur Airliners.net)

L'équipage du bombardier est composé de quatre membres, disposant tous d'un siège éjectable Zvezda K-36DL zéro-zéro : le pilote, son copilote, un navigateur et un opérateur systèmes. Pour les vols de longue durée, un espace de repos, des toilettes et un réchaud à nourriture ont été installés derrière le cockpit. Les commandes de vol, actionnées par un simple manche à balai et non par un volant, sont électriques, une première sur un avion soviétique de cette envergure. Ces commandes électriques sont néanmoins redondées trois fois et, en cas d'avarie, une commande mécanique de secours a été prévue. L'avionique comprend un système de suivi de terrain automatique Sopka, un radar de navigation et d'attaque Obzor-K dans le radôme de nez, un transpondeur IFF SRO-1P Parol ainsi qu'un équipement de contre-mesures électroniques Baïkal. Ainsi équipé, le Tu-160 est capable d'effectuer aussi bien des missions de pénétration à basse altitude et à faible vitesse que des vols supersoniques à haute altitude.

L'armement est stocké dans les deux soutes situées sous le fuselage. Elles mesurent toutes deux 11,28 m de long pour 1,92 m de large et contiennent chacune un lanceur rotatif MKU-6-5U pour 6 missiles Kh-55SM ou 12 missiles Kh-15S.

Poste de pilotage de Tu-160.
(crédits photo : Dmitry Avdeïev sur Airliners.net)
Poste de l'opérateur systèmes sur Tu-160.
(crédits photo : Dmitry Avdeïev sur Airliners.net)
Console du navigateur sur Tu-160.
(crédits photo : Dmitry Avdeïev sur Airliners.net)
Fiche technique
Longueur 54,095 m
Envergure 57,7 m
Hauteur au sol 13 m
Surface alaire 293,15 m2
Masse à vide 110 000 kg
Masse maximale au décollage 275 000 kg
Équipage 4
Motorisation 4 turboréacteurs Kouznetsov NK-32 de 25 000 kgp chacun avec postcombustion
Plafond opérationnel 15 000 m
Vitesse maximale 2200 km/h, limitée à 2000 km/h en service
Distance franchissable 12 300 km à Mach 0,77 avec 6 missiles Kh-55SM
Course au décollage 2200 m à pleine charge
Course à l'atterrissage 1600 m
Armement 12 missiles Kh-55SM ou 24 missiles Kh-15S ou jusqu'à 40 t de bombes
Vue de dessus d'un Tu-160. Vue de dessous d'un Tu-160. Vue de côté d'un Tu-160.
Profil couleur du Tu-160 "01 rouge" du 184 GvTBAP. Profil couleur du Tu-160 "01 rouge" Mikhaïl Gromov. Profil couleur du Tu-160 "16 rouge" Alekseï Plokhov.
Sources :
  • Tupolev Tu-160 Blackjack, Russia's answer to the B-1, Yefim Gordon, Midland Publishing, 2003
  • Soviet Strategic Aviation in the Cold War, Yefim Gordon, Hikoki Publications, 2009
  • Russian Strategic Aviation today, Yefim Gordon & Dmitriy Komissarov, Hikoki Publications, 2010
  • Russian Air Power, Yefim Gordon, Midland Publishing, 2009
Pour reproduire cet appareil :
Fabricant Échelle Référence et désignation
Zvezda 1/144 7002 Tupolev Tu-160
Trumpeter 1/144 3906 Tu-160 Blackjack
Trumpeter 1/72 01620 Tu-160 "Blackjack" Bomber
Amodel 1/72 72007 Tu-160 "Black Jack"
Page mise à jour le 21/04/2012